Au nom de tous les nôtres

Martin Guiton Dorimain

Sans cette mille neuf cent vingt-septième édition de JEUNE AFRIQUE, datée du 9 au 15 décembre 1997, nous n'aurions rien su de la chasse contre les Noirs par les nazis au nom de la race aryenne. La mésaventure de ces déportés serait enveloppée dans les plis de l'oubli, de la non-histoire, du non-vécu, de la légende.

L?article : «Des Noirs dans les camps de la mort », inspiré d?un documentaire, sorti en 1995, oeuvre du journaliste Serge BILÉ, une fois interdit en France et en Côte d?Ivoire, soutenu par des témoignages de survivants, raconte le calvaire de ces impurs. Des cas très particuliers ont été pris en exemple. On a tout de même retrouvé, dans les chargements à destination de la pourriture dans les goulags de la zone occupée au cours de la Seconde Guerre mondiale : des Africains allemands généralement, des Camerounais, des tirailleurs sénégalais, des Ivoiriens, des Équato-guinéens, des Antillais.

L?historique témoignage parle de Erika N?Guando et de Renée Hautec?ur déportées à Ravensbrück, de Carlos Grevkey de la Guinée incarcéré à Mauthausen, de John William de la Côte d?Ivoire gardé à Neuengamme près de Hambourg.

Notre curiosité s?est arrêtée sur le cas de Jean Nicolas que la force des choses, celle de l?histoire et l?instinct de conservation obligent à se présenter comme John NICOLS. Il est né Haïtien et est mort Haïtien malgré les embûches et les dérobades.

En effet, Jean Nicolas, Haïtien, vivant alors en Martinique travaillait à l?hôpital de Fort-de-France. Sous quelques prétextes a été, dans un premier temps, déporté à Buchenwald et en outre à Dora-Mittelbau. Dans ses stratagèmes pour survivre il se fait appeler John Nicols et se fait prendre pour un pilote américain, essayant de s?attirer  la commisération de ses ravisseurs SS. Ses dons naturels pour les le pousse à apprendre dans cet environnement de captivité : l?allemand, le russe et le polonais. Son apprentissage de diverses langues et son expérience dans le milieu médical ont inspiré l?administration à le placer à l?infirmerie et comme assistant et comme interprète. L?histoire retient ses hautes dispositions à aider les autres et à leur sauver la vie. Mais soupçonneux les Allemands se sont posé des questions sur l?habilité de ce Noir qui s?est dit pilote américain, polyglotte et même médecin. Le grand mot est lancé : n?est-il pas un espion ? Sans toute autre forme de procès, il est condamné à la réclusion comme des milliers d?autres. Il partage leur infâme condition et attrape la tuberculose. Sa vie lui échappait déjà quand il est libéré et conduit à l?hôpital américain de Neuilly en France. Dans la solitude de l?hôpital Saint-Antoine, à Paris, il rend l?âme le 4 septembre 1945.

Nous sollicitons l'aide de nos lecteurs pour nous fournir des informations plus approfondies sur cet Haïtien , qui un jour a laissé son pays et est mort à Paris dans l?indigence. Peut-être sa descendance ou ses proches peuvent au moins sauver sa mémoire.