Le Mémorial d'une journée Du sillage de la mer aux sillons d?une habitation; Jacques Kanon, colon à Jérémie

Ronald Deschênes

 NDLR. «En juin 1987, il sortait des presses de l?Imprimerie Centrale, une monographie familiale rédigée par feu J.Élie Lestage. L?auteur avait rassemblé sous le titre «Mémoires d?un Jérémien», en plus des données généalogiques usuelles, des souvenirs reliés aux diverses étapes de sa vie. Cette narration émaillée d?anecdotes, de moult histoires, met en scène des personnages qui ont façonné le milieu social de Jérémie. Nous remercions madame Lucie Petit, veuve Lestage d?avoir autorisé la reproduction du texte ci-après».

Ce texte est publié intégralement dans sa forme originale, sans altération, sans modification, soit du style, soit de l?orthographe.

«MÉMORIAL D?UNE JOURNÉE ORGANISÉE PAR LE GÉNÉRAL KERLEGRAND À JÉRÉMIE EN L?HONNEUR DE LA VISITE DE M. ET MME FRÉDÉRIC FEBVRE EN L?ANNÉE 1895».

C?est dans l?espoir de raviver dans l?esprit de nos jeunes concitoyens les faits glorieux de nos aînés que j?inscris ce Mémorial qui en met en lumière comment nos ancêtres exaltaient les mérites des aïeux.

J. Elie Lestage.

Les pièces publiées ci-après m?ont été fournies par la courtoisie d?un ami d?enfance M. Franklin Brière.

Lettre de M. Frédéric Fèbvre.

Permettez-moi, mon cher M. Laforet, pour justifier l?en-tête de cette lettre de détacher de la préface que mon maître et ami, Dumas fils, voulut bien me faire l?honneur d?écrire pour le deuxième volume de nos Mémoires, les quelques lignes ci-après qui expliqueront à vos lecteurs, comment j?ai pu être assez heureux, de venir à Port-au-Prince, qui est une ville où l?on ne passe pas par hasard, accomplir le pieux pélerinage de la Guinaudée, et tenir en même temps la parole donnée à nos amis, qui je l?espère ont la bonne fortune d?être des vôtres.

Bien cordialement

Frédéric Febvre

COMMENT NOUS VINMES EN HAITI

Quand vous êtes venus m?apporter votre manuscrit et que je vous ai interrogé sur les causes de votre résolution si définitive, vous m?avez répondu " J?ai promis à nos amis Bobo et Pouille d?aller les voir à Haiti. Je veux tenir ma promesse", et j?ai vu derrière ce sourire qui a si souvent éclairé les histoires que vous nous rencontriez pendant les entractes des répétitions, j?ai vu que c?était sérieux!

Ainsi, j?avais sous les yeux un homme qui, ayant projeté plusieurs années à l?avance de faire quelque chose, le fait. A ces amis que nous avons vous et moi à Haiti, qui vous parlaient chaque fois qu?ils venaient en France des beautés, et des charmes de leur pays natal, vous avez dit " quand mon engagement avec la comédie française sera terminé, je quitterai le théâtre, et j?irai vous voir aux Antilles".

Vous quittez le théâtre, et après avoir pris votre temps pour arranger toutes vos petites affaires européennes. Vous partez en effet pour Port-au-Prince, après avoir donné le spectacle de tant de personnages secoués aux quatre vents, du hasard et de la passion, vous donnez tout à coup dans la réalité, celui d?un homme qui fait ce qu?il veut, c?est tout bonnement admirable! Surtout dans les temps agités où nous vivons?

Je suis un de ceux qui perdent le plus à votre départ. Que vont devenir Clark, M. de Riverolles, M. de la Rivonnière, Olivier de Jalin, pendant que vous ferez la sieste dans les hamacs d?Haiti, en buvant le café du Gros Morne? Etes-vous sûr que votre Mémoire n?évoquera pas le souvenir de tous les personnages de la vie desquels vous avez vécu, en leur faisant une âme à la vôtre. Etes-vous sûr qu?ils ne vous rappelleront pas là où ils sont restés, et n?est ce pas pour être sûr de résister à la tentation que vous allez si loin?

Adieu donc, mon cher Febvre, je n?ose plus dire au revoir à ceux qui partent. J?ai passé l?âge des formulent qui engagent l?avenir, nous avons fait la guerre ensemble, et la bonne guerre, toujours bravement et loyalement. Je perds un bon compagnon d?armes, mais qui sait si je livrerai encore quelque bataille, et vous avez soif d?espace et de liberté? Vous avez des jardins en toile peinte, il vous faut le soleil des tropiques et les immenses forêts d?acajou. Je voudrais être à votre place, allez!?

Vous serez bien reçu là bas, c?est un des rares pays où l?on aime encore la France.

Un jour que vous n?aurez rien à faire, et qu?il fera trop chaud, descendez au sud de l?île, jusqu?à Jérémie sur le golfe de Léogâne. C?est un véritable voyage. C?est un véritable pélérinage que je vous demande de faire.

C?est là qu?au printemps de 1762, une petite esclave noire mettait au monde un petit mulâtre, lequel devait être un jour le général Alexandre Dumas et se continuer en deux auteurs dramatiques qui vous ont fait quelques un des rôles que vous avez si bien joués.

Tout à vous,

A.Dumas Fils.

Avant de venir en ce doux pays, j?avais appris à le connaître, c?est-à-dire à l?aimer, par l?aimable fréquentation de jeunes haitiens résidant à Paris, tous fervents admirateurs de notre belle et noble maison de Molière.

A chacun de ces jeunes gens, j?avais fait la promesse, que le lendemain de ma présentation d?adieu, mon premier soin serait de leur faire visite chez eux!

Beaucoup m?ont avoué depuis qu?ils n?ont cru à ce lointain déplacement, que le jour où j?ai télégraphié de Santiago de Cuba, à mon regretté ami Bobo, la date et l?heure où

"le Manuela" nous débarquerait à Port-au-Prince.

Quelques jours après notre arrivée, je m?informai près de notre hôte des moyens qu?il convenait d?employer pour tenir la promesse faite à l?écrivain trop tôt disparu, pour la gloire et l?honneur des lettres, à l?ami si brusquement arraché à notre affection.

Le voyage de Jérémie n?est pas chose facile, me fut-il répondu. Il faut une occasion!

Deux jours plus tard, cette occasion se produisit sous une forme un peu macabre; mais je n?avais pas le choix des moyens.

Une dame Vigoureux, qui venait de mourir à Port-au-Prince, avait dans ces dernières volontés exprimé le désir d?être inhumée à Jérémie, lieu de sa naissance.

Grâce à une puissante intervention, le bateau "Rivière" qui transportait cette dépouille mortelle, voulut bien nous prendre à bord; munis de lettres de recommandation de Fouchard, du général Kerlegand, de Bobo, de Daubigny, nous partimes donc?

En descendant du bateau funèbre, et après avoir assisté aux obsèques de Mme Vigoureux (c?est le moins que nous lui devions), nous nous présentâmes chez M. Gostale, agent consulaire de France. Cet aimable fonctionnaire, étant absent, ce fut Mme Gostale et ces nièces, Mlles Rouzier qui nous firent le plus courtois accueil.

Quand le soir de notre arrivée, j?eus expliqué à MM. Rouzier, (les frères de Mme Gostale), que je nourrissais le fol espoir d?accomplir ma mission le lendemain, afin de regagner de suite Port-au-Prince, à la stupéfaction de ces messieurs, je compris bien vite que les choses ne pouvaient marcher avec cette rapidité.

Mais, cher M. Febvre, me dirent mes hôtes, c?est tout a fait impossible, on ne va pas à la Guinaudée comme en France, on se rend à Saint-Cloud. Il faut avant tout retrouver un vieux noir du nom de Pamphile, qui seul, connaît exactement l?emplacement de l?ancienne plantation du Marquis de la Pailleterie, sur laquelle se trouvait la case de Tiennette Dumas.

Il faut, en outre, reconnaître les sentiers à travers les mornes, pour que nos montures puissent y accéder, il faut envoyer là-haut, à dos de mulet, des provisions de bouche pour vous et ceux de nos compatriotes qui tiendront à l?honneur de vous faire escorte. De plus, le bateau Allemand qui doit vous donner passage, pour ramener à Port-au-Prince, ne touchant pas Jérémie avant huit ou dix jours, il convient donc que vous demeuriez nos hôtes et que vous vouliez bien nous laisser les moyens de vous rendre aussi agréable possible votre séjour forcé!

Huit jours après le général Kerlegrand, le plus charmant homme qui se puisse rencontrer, venait nous avertir que tout était réglé, et que le mardi, 9 avril, avant le lever du soleil, nos amis de Jérémie nous attendraient place de la Cathédrale.

Le jour naissait à peine Victoria correctement attelée venait prendre aux noms de M. Laraque, Mme Febvre, tandis que de la part du général Kerlegrand, un serviteur m?amenait le charmant petit cheval qui m?était destiné.

Je sautai gaiement en selle, la voiture suivit, et, jugez de mon étonnement, de mon émotion, quand en arrivant au rendez-vous, au lieu d?y trouver quelques compagnons de route, mon regard s?arrêta sur une cinquantaine de cavaliers qui nous attendaient et qui, dès que nous apparûmes, se découvrirent silencieusement.

Certes, au cours de ma longue carrière, j?ai éprouvé de grandes émotions, mais je vous assure, mon cher M. Laforest, que l?impression que me causa cette nouvelle preuve de la proverbiale courtoisie de vos compatriotes, est un des meilleurs souvenirs de ce voyage.

Quant aux détails de cette belle journée, je ne puis faire mieux que reproduire ici la lettre que j?adressais le soir même, de Jérémie, à l?auteur du Demi-Monde et de tant d?autres succès.

Signé Frédérick Lefebvre*

Jérémie, 9 avril 1985*

Jérémie, Avril 1895

Mon cher Dumas,

Ce matin, un peu avant le lever du soleil, après avoir traversé la Grande-Rivière, gravi les mornes, passé à gué la source Madère, franchi bien des obstacles, plus de cinquante cavaliers sont arrivés enfin à la Guinaudée, sur l?emplacement de la grande case.

C?est bien là, au côté Ouest de la partie française, qu?au mois de Mai de l?année 1762 Tiennette Dumas mettait au monde celui qui devrait être un jour le général Dumas.

Venus de Port-au-Prince à Jérémie pour tenir la promesse faite à l?auteur du père prodigue de me rendre à la Guinaudée, j?ai trouvé pour accomplir ce pèlerinage le concours le plus empressé; le plus fraternel.

Hélas! de ce qui fut autrefois une grande habitation, il ne reste plus que les débris d?un vieux moulins!

Là ou la petite esclave venait de donner la vie à cette lignée de Géants qui ont illustré

leur pays avec tant d?honneur et de gloire, soit par la plume, soit par l?épée, je n?ai trouvé que quelques pierres noircies, quelques fleurettes et une modeste cabane!?mais quels horizons!?aussi vastes, aussi profonds que profondément demeurera dans l?avenir ce glorieux nom de Dumas!

Deux heures après toute la petite troupe s?est remise en marche sous un soleil brillant pour venir déjeuner à la case d?Antoine.

Le bon Pamphile nous servait de guide au milieu de ce labyrinthe tout en fleurs.

Déjeuner charmant, plein d?entrain, les provisions avaient été expédiés dans la nuit, à dos de mulets.

Et tout cela me faisait penser à votre cher et regretté père, à la journée de ses obsèques à Villiers-Cotterets.

Là encore, comme aujourd?hui, le soleil était de la partie, et ses chauds rayons semblaient vouloir que chaque assistant écartât de son esprit tout sentiment de tristesse?car pour tous les vôtres mon cher ami, le soleil qui fête leur venue en ce monde, dissipe encore après leur mort l?ombre, la douleur, l?oubli!

Après ce petit repas si cordial, si pittoresque, plusieurs de nous ont pris la parole pour chanter Tiennette et ses illustres descendants.

On a bien parlé du général, de votre illustre père et de vous, mon cher Dumas, aussi je vous adresse de suite ce souvenir encore tiède d?une naive et sincère émotion.

Puis nous sommes descendus à la Cascade où se baignait votre glorieux grand-père quand il était enfant. Si aujourd?hui celui qui se plonge dans cette belle eau claire et limpide ne risque plus d?y rencontrer le légendaire "caiman" qui faillit dévorer le brave général dans ses ébats nautiques, en revanche, l?endroit est resté merveilleux, plein d?ombre, de fraîcheur et de mystère!

Connaissant votre horreur des longueurs, je vous mets à la poste de Jérémie ce procès-verbal d?une journée qui restera inoubliable, et mes aimables compagnons et compagnes de route y joignent, avec l?expression de leur admiration, celle de leurs plus affectueux sentiments.

Et pendant qu?on scellait nos montures, j?ai cueilli ces petites fleurs qui vous parviendront désséchées! ?elles ont poussé là-haut sur le sommet des Mornes que nous avons redescendus lentement, pendant que la lune éclairait de sa discrète lumière ce lieu si bruyant tout à l?heure encore et maintenant si calme, si religieusement silencieux.

Votre bien affectueux

Frédécic Lefebvre**

P.S. : Etaient présents et ont signé :

Docteur et Mme C. Van Waterschoot, Messieurs Louis Goubault, Général Kerlegrand, Pressoir Jérôme, Numa Laraque, Villedrouin, Dr C. Gaveau, Saint-Juste, U. Duvivier, C. Chassagne, D. Clérié, Dr L Margron, A. Blanchet, C. Lavaud, Ph. Laraque, O. Duvivier, Fouchard Martineau, Léonce Duvivier, Numa Rigaud, Th Dégraffe, G. Laveau, Dufrené, Pamphile, L.A. Thimothée, François Étienne, Gastan, A. Régiès, H. Villedrouin, P.L. Laraque, Albertini, Lysias Jn-Pierre, Pamphile Jeune, J.H.Lanoue, Jeannot, D. Desquiron, Th. Blanchet, Volney Gostalle, M. et Mme Lefebvre.

A cette heure, où il me faut envisager avec tristesse l?impossibilité d?aller de nouveau me réchauffer aux rayons de votre vivifiant soleil, grâce à la cordiale hospitalité que je trouve dans les colonnes de votre si intéressante Revue, il me reste du moins la consolation de causer encore à travers l?espace avec nos amis de là-bas, sans avoir le chagrin de leur voir constater sur mon visage si la vie, ce roman si souvent mal fait, n?a pas laissé la trace des années trop longuement passées loin d?eux.

Que seront devenus tous ces êtres, mêlés si heureusement au hasard de notre voyage? Je serais heureux de le savoir?et leur adresse, en attendant un souvenir ému et reconnaissant.

NDLR : * Il faut lire Frédéric Febvre. Jérémie mars 1895. / ** Il faut lire Febvre.



Peabody Essex Museum, cl. 0161












DU SILLAGE DE LA MER AUX SILLONS D?UNE HABITATION; JACQUES KANON, COLON À JÉRÉMIE.

par Ronald Deschênes

NDLR. «Monsieur Ronald est né à Grand-Mère, lors d?un orage épouvantable. Il s?est rendu au pied de l?autel sous une température de moins 40 degrés Celsius. Il habite la ville de Sainte-Foy, une banlieue de Québec. Il a été durant de nombreuses années le généalogiste de la famille souche Miville-Deschênes. Il est membre à vie de la Société d?histoire de Sainte-Foy. Comment en est-il venu à s?intéresser au type que nous connaissons comme habitant propriétaire à la Grand?Anse ? Il répond ceci :«Depuis la vénérable année 1973 (déjà?), j?effectue une importante recherche concernant le lieutenant de frégate Jacques Kanon. Les raisons qui m?ont poussé à commencer cet interminable travail sont assez obscures, chose certaine je trouvais à l?époque qu?il n?existait pas beaucoup de renseignements disponibles sur cet officier. De plus je me cherchais un hobby intéressant en histoire maritime.»

C?est vers 1770 (112a), que notre audacieux blayais s?installa dans la région de Jérémie(112b) à la rivière Voldrogue. Il fit ensuite l?acquisition d?une habitation à la rivière Guinodée le 21 février 1778 pour la somme de 12,000 livres payable 4,000 livres à tous les huit mois. Propriété du Sieur Joseph-Marie Masse, demeurant rue de la Marine, elle était composée de «...quarante neuf quarreaux de terre avec établissement...au nord de la rivière Guinodée, au Sud de la nommée Fremont aujourd?hui Le Sr Kanon, à Lest d?autres possessions du Sr Kanon et de la dame Godde et a Louest du Sr françois Plomb...»(113)

Le 22 juin 1778 il loua du Sieur Étienne Boisselot deux chambres dépendantes rue de la Marine, pour la somme de 1,400 livres par année. De plus il acheta le 30 juin 1778 du Sieur David Dupuy marchand de Jérémie, pour la somme de 1,000 livres, un magasin au «canton du Père la Montagne sur les cinquante pas du Roi au bord de la mer». Le 25 janvier 1784, il transigea avec le Sieur Jean Coeur, maçon, un autre magasin au même prix et situé au même endroit. Il opéra une grande sucrerie à la Voldrogue et s?associa à son gendre le Sieur Jean Chalmette, qui lui possédait une sucrerie à la Grande-Rivière. Il était encore «habitant à la Voldrogue» le 23 juillet 1788.

Ensuite, nous avons déniché deux textes supplémentaires sur la présence de Jacques Kanon à Saint-Domingue. Le premier date de juillet 1791: «Au quartier des Grandes Feuilles, dépendance de Jérémie neuf forts nègres de nations bambara et mandingue avec deux négresses faisant en tout onze esclaves sont partis marrons de l?habitation de M. Kanon, habitant de Jérémie.» (114). Le deuxième est de 1797: «...plus haut est la sucrerie Canon, avec un moulin qu?elle doit à la Voldrogue...»(115)

L?habitation(116) Canon existe encore aujourd?hui. Située à une heure et demie de route de Jérémie, il s?agit d?une ferme de 100 à 200 hectares au sud de la rivière Voldrogue. Le frère Bruno Laroche F.I.C. qui a été enseignant de 1960 à 1962 et directeur de 1963 à 1969 à l?école Frère Paulin de Jérémie, se souvient d?être allé maintes fois à cet endroit avec des groupes d?élèves pour se baigner et pique-niquer. Sur ce terrain se trouve une rhumerie(117) qui était la propriété de Madame Vévé Vilaire.

Selon Monsieur Jean-Éric Parisien, natif de Jérémie, il s?agit maintenant d?un petit coin de trois ou quatre quartiers. L?habitation elle-même qui comprend un moulin en bois et plusieurs vestiges en pierre, est étendue sur une dizaine d?hectares. On y trouve plusieurs variétés d?arbres dont des palmiers, des cocotiers, des manguiers, des avocatiers et «l?Arbre Véritable» avec lequel de la farine a été récemment obtenue. Ce n?est plus Vévé Vilaire(118) qui l?exploite, mais son fils adoptif Lenon Sanon(119). Il produit en coopérative du tafia et du clairin. On ne fabrique plus de rhum, car la distillation de cette boisson nécessite de l?équipement spécialisé.

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NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

112a- Il quitta Bordeaux sur le navire la GRANDE-ANSE de Bordeaux de 200 tonneaux en janvier 1772 avec toute sa famille. Étaient passagers: Pétronille Goddé de Dunkerque âgée de 40 ans, épouse du Sr Jacques Kanon.. Antoinette-Françoise Kanon de Dunkerque âgée de 14 ans, sa fille. Anne-Marie Goddé de Dunkerque âgée de 26 ans, belle s?ur du Sieur Kanon. Archives Départementales de la Gironde, 6B-106 et 6B-476.

112b- Cette ville située dans la partie sud de Saint-Domingue, fut habitée par un pêcheur nommé Jérémie vers 1720. Le patron de l?église s?appela Saint-Louis et les registres de la paroisse furent définitivement ouverts le 11 juillet 1725, par un dominicain, le père Michault. Dans les années 1797, on y trouvait 10 «indigoteries», 7 sucreries, 32 cotonneries et 118 «caféteries». A la même époque la population de la ville et «ses accessoires» frôlait les 20,000 habitants, soient 2,000 blancs, 1,000 affranchis et plus de 17,000 esclaves. Comme dans toutes les villes coloniales, elle possédait ses bourgeois. Parmi ceux-ci notons les Jérémiens Hildevert-Marie-François Berquier, Pierre-Joseph Bighin ou Beghin, Louis-Auguste Letonnier baron de Breteuil, François Breuil, Hippolyte-René de Chardonnay, Marthe-Jérôme Duvivier de la Mahautière, Jérôme-Louis-Barthélémy de Favarange, Étien-ne Lefebvre-Deshayes, Pierre et François Testas. Médéric-Louis-Élie MOREAU de SAINT-MÉRY, Description Topographique, Physique, Civile, Politique et Historique de la Partie Française de l?Isle Saint-Domingue, p. 1452, 1453, 1458, 1459, 1465, 1484, 1486, 1487, 1513 et 1552.

113- Archives des Colonies, D64, Notaires de Jérémie, Bose 21 février 1778. Le Sieur Masse l?avait lui-même obtenue de la mulâtresse Marguerite Laroche, le 25 mai 1775. Depuis le 20 avril 1777, Jacques Kanon était pratiquement en possession de cette plantation. Note de l?auteur.

114- Jean FOUCHARD, Les Marrons de la Liberté, p. 407.

115- Médéric-Louis-Élie MOREAU de SAINT-MÉRY, p. 1388.

116- Le mot «habitation» est un nom employé à Saint-Domingue pour désigner une plantation. Note de l?auteur.

117- Il y avait une guildeverie pour la fabrication du sirop de canne et de l?alcool(tafia, clairin et rhum). Lettre du Frère Bruno LAROCHE en date du 6 octobre 1996.

118- Vévé Villaire. C?était une richissime veuve qui a adopté plusieurs enfants. Elle est décédée vers 1970 à l?âge d?environ 80 ans. Témoignage de Monsieur Jean-Éric PARISIEN. Avant cette dame, c?était Monsieur Klébert Villedrouin qui occupait l?habitation. Lettre de S?ur Albertine Boucher en date du 16 mars 1998.

119- Lenon Sanon. Propriétaire actuel de l?habitation Canon. Il a élevé cinq enfants dont Pierre-Antoine, Max, Jocelyne, Jacqueline et Irma. Aujourd?hui, il demeure à Port-au-Prince. Témoignage de Monsieur Jean-Éric PARISIEN.

ÉTAT DES SERVICES DE

JACQUES KANON (CANON)

A) Arrière-arrière-petit fils de Gobert Canon et d?Antoinette Beau. Arrière-petit-fils de Jacques Canon, originaire de Guise (Aisne) soldat sur la patache du convoi de Blaye, et de Marie Papin. Petit-fils de Louis Canon, pilote, et de Marie Boisset.

B) Fils d?Antoine Canon, capitaine de navire, et de Catherine Roquillet.

C) Naissance: Blaye paroisse St-Sauveur le 5 janvier 1726.

D) Embarquements: Mousse sur la REINE-MARIE de Bordeaux capitaine Antoine Canon (son père) pour Saint-Domingue de 1738 à 1739. Patron de canot sur la LAURENCE de Bordeaux capitaine Jean Cochon pour Saint-Domingue de 1740 à 1741. Novice sur la RENOMMÉE de Bordeaux capitaine Guillaume Turgeau pour la Martinique de 1742 à 1743. Deuxième pilote sur le ROYAL-DAIM de Bordeaux capitaine Louis Beaunevent pour Saint-Domingue de 1744 à 1745. Matelot sur la corvette du Roy le MERCURE-ANGLAIS de 14 canons commandant St-Memy en 1746. Dans le port de Brest, "à la Cayenne" du 24 novembre 1746 au 2 janvier 1747. Matelot sur la même corvette commandant Bory en 1747. Deuxième lieutenant sur la MOUCHE de Dunkerque capitaine Pierre Lefebvre dit Juin Fils en 1747. Deuxième lieutenant sur le COMTE-DE-MAUREPAS de Dunkerque capitaine Jean-François Chené en 1747. Deuxième lieutenant sur la CHARMANTE de Dunkerque capitaine Pierre Lefebvre dit Juin Père en 1748. Aide pilote sur la LIBERTÉ de Dunkerque capitaine Joseph Mathieu pour Amsterdam en 1748. Aide pilote sur la BALEINE de Dunkerque capitaine Joseph Mathieu pour le Cap-Français de 1748 à 1750.

E) Commandements: Sur le PRINCE-DE-SOUBISE de Dunkerque de 1756 à 1757. Sur la frégate du Roy la VALEUR de 1757 à 1758 pour Québec. Sur la frégate le MACHAULT de Bordeaux de 1758 à 1759 pour Québec. Sur la frégate l?HARMONIE de Dunkerque en 1760 pour Port-au-Prince. Sur le navire le COLIBRI de Bordeaux en 1761? Sur la frégate l?INTRÉPIDE de Bordeaux en 1762 pour Saint-Domingue. Sur la frégate l?INTRÉPIDE de Bordeaux en 1763 pour Cap-Français. Sur le navire le ROY-DE-KABINDE de Bordeaux en 1766 pour Cap-Français. Sur le navire le MANGOFF de Bordeaux de 1769 à 1770 pour Cap-Français. Sur le navire le MANGOFF de Bordeaux en 1771 pour Saint-Domingue. Sur le navire la GRANDE-ANSE de Bordeaux en 1772 pour Jérémie.

F) Grades: Capitaine de navire et patron à Dunkerque le 16 juillet 1750. Lieutenant de frégate à Bordeaux le 8 juin 1757. Capitaine de brûlot à Bordeaux le 25 janvier 1760.

G) Mariage: Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 10 mars 1750 à Pétronille Goddé (Fille de Pierre-François Goddé et de Marie-Catherine de Tilly). Née le 21 et baptisée à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 23 février 1728. Décédée à Jérémie paroisse Saint-Louis le 11 avril 1778 à l?âge de 50 ans. Leurs enfants :

  1. Pierre-Charles. Né et baptisé à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 24 avril 1751. Décédé le 5 et enterré à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 6 juin 1752 à l?âge de 13 mois.
  2. Louis-Jacques. Né et baptisé à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 16 février 1756. Décédé le 5 et enterré à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 6 juin 1757 à l?âge de 15 mois.
  3. Antoinette-Françoise L?Aînée. Née et baptisée à Dunkerque paroisse Saint-Éloi le 11 août 1757. Mariée vers 1777 à Jean Chalmette, capitaine d?artillerie au bataillon milice. Mariée le 29 décembre 1787 à Jérémie paroisse Saint-Louis à Jean de Maffrand, né à Pluviers en Périgord et domicilié à Port-au-Prince. Jacques Kanon s?opposa à ce mariage. Mariée (réhabilitation) le 15 juin 1790 à Jérémie paroisse Saint-Louis à Jean de Maffrand. Cette fois Jacques Kanon consentit à l?union. Ses enfants :

Premier lit :

  1. Antoine-Jean-Jacques Chalmette né le 7 février 1778 et baptisé à Jérémie paroisse Saint-Louis le 3 juillet 1778.
  2. Louise-Antoinette Chalmette née le 27 janvier 1780 et baptisée à Jérémie paroisse Saint-Louis le 30 juillet 1780.
  3. Jeanne-Hiacinthe Chalmette née le 16 août 1783 et baptisée à Jérémie paroisse Saint-Louis le 11 octobre 1783.

Deuxième lit :

  1. Louise-Françoise de Maffrand baptisée à Jérémie paroisse Saint-Louis le 15 juin 1790.

Antoinette-Françoise Kanon L?Aînée fut indemnisée le 28 janvier 1833 pour la somme de 32,500 F. Cet argent provenait de la succession Jacques Boccalin, pour un bien rural sis à La Casetache (ville basse de Jérémie).

  1. Antoinette-Françoise La Jeune. Née le 31 juin et baptisée à Libourne le 1er juillet 1762. Aucun autre renseignement.

Jacques Kanon était également le père d?une fille naturelle. Antoinette-Adélaide. Née à Jérémie vers 1781. Envoyée en France vers 1786. Mariée (sans acte de naissance) le 14 Thermidor An XI (2 août 1803) à Blaye à Pierre Limouzin.

H) Autres: Initié par la loge franc-maçonique bordelaise de l?Amitié le 2 mai 1765. Bourgeois à Bordeaux le 25 septembre 1765.

I) Activités commerciales: Achète en 1760 une entreprise viticole à Saint-Émilion (Devient Château Canon Saint-Émilion 1er Grand Cru classé). Achète entre 1772 et 1778 une grande plantation à Jérémie canton de la Voldrogue, y opère une grande sucrerie jusque vers 1791(L?endroit s?appelle encore aujourd?hui « Habitation Canon »).

J) Décès: Bordeaux le 21 Floréal An VIII (11 mai 1800) à l?âge de 74 ans et 4 mois.

Ronald Deschênes,

M.A.J.: 23 février 2000.

AUTRES DOCUMENTS NON PUBLIÉS ET PUBLIÉS

NON PUBLIÉS (2)

DESCHÊNES, Ronald, Trois Marins Français à Québec 1758-1759, Sainte-Foy, 1977, 144 pp.

DESCHÊNES, Ronald, Jacques Kanon (1726-1800), Sainte-Foy, 1998, 113 pp.

N.B : Ces deux livres sont déposés à la Bibliothèque nationale du Canada en »copyright». Ils ne sont pas publiés parce que en constante évolution dans le temps.

PUBLIÉS (8)

HISTOIRE FIDÉENNE (3)

DESCHÊNES Ronald, À propos du Fort de Gaudarville, L’écho Fidéen, vol. 2, no. 2, automne 1988, Sainte-Foy, 1988, p. 8 à 10.

DESCHÊNES, Ronald, Les premiers de Sainte-Foy, sous le Régime Français, L’écho Fidéen, no.3, mars 1987, Sainte-Foy, 1987, p. 5 à 7.

DESCHÊNES, Ronald, Côte St-Michel en 1754, L’écho Fidéen, no. 2, décembre 1986, Sainte-Foy, 1986, p. 26 à 32.

HISTOIRE MARITIME (5)

DESCHÊNES, Ronald, L’Atalante frégate du Roy, L’Escale no.16, août-septembre 1986, Québec, 1986, p. 9 à 11.

DESCHÊNES, Ronald, Jacques Kanon corsaire Blayais (1726-après 1777), Les Cahiers du Vitrezais, no 52, mai 1985, Paris, 1985, p. 63 à 68.

DESCHÊNES, Ronald, Jean d’Olabaratz (1727-1808), Bulletin Municipal de Saint-Jean-de Luz 1985, no 21, Saint-Jean-de Luz, 1987, p. 71 à 75.

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