Les registres d'état civil anciens des Archives Nationales d'Haïti *

Jacques de Cauna

Archives Nationales D?Haïti

Les registres d?état civil anciens des Archives Nationales d?Haïti *

par Jacques de Cauna

 

NDLR La Revue de la Société haïtienne d?Histoire et de géographie a publié ce texte en mars 1989 (no 162). Reproduit intégralement dans sa forme originelle, sans altération, sans modification soit du style, soit de l?orthographe.

 

Les Archives Nationales d?Haïti ont conservé bon nombre de registres d?état- civil anciens du plus grand intérêt pour l?histoire des dernières années de la colonie et des premiers temps de l?Indépendance 1.

Ces registres, qui n?ont pour l?instant fait l?objet d?aucune étude systématique, offrent une mine de renseignements inédits dont vous avions déjà signalé l?importance à l?occasion de la découverte de l?un d?entre eux relatant un épisode oublié de la Guerre du Sud entre TOUSSAINT et RIGAUD 2 . Sans prétendre épuiser la question, qui relève d?un travail d?équipe de longue haleine, il nous a paru intéressant de livrer à la publication quelques notes glanées au hasard de recherches ponctuelles dans quelques uns de ces registres.

Un premier sondage rapide nous a révélé l?existence des registres suivants, uniquement en ce qui concerne Port-au-Prince :

  • Naissances, mariages, décès, 1793 (172 p.) signé G. Le Cun, curé, puis Charles BORNO, officier public; idem- 1793, (8 p.)
  • Naissances 1798; idem 1798-1799 (environ 100p.); id. 1799-1800; id. 1800.
  • Naissances, décès 1800-1801 (signé Étienne THOURON, officier public, et Bernard BORGELLA, (Président de l?Administration municipale); id.-1802.
  • Naissances, 1801, 1802, 1805, 1806, 1807, 1808, 1809, 1810, 1811, 1814-1815, 1816 (ces derniers sont signées Marie-Charles Nicolas COULON, officier civil).
  • Décès 1799-1800, 1800, 1801, 1802, 1802-1803, 1803-1804, 1805, 1806-1807, 1808-1809, 1810, 1811, 1812-1813, 1816-1817, 1818, 1819, 1820 (2 registres), soit une série très complète couvrant des débuts de la Guerre du Sud (administration de Rigaud) aux débuts de la présidence de Boyer, et qui se prolonge régulièrement par la suite.

Mariages : 1804-1805 (premier registre haïtien), 1807, 1808-1809, 1810, 1812-1815, 1816 à 1820?(signés de l?officier civil Jérôme COUSTARD).

Répétons encore qu?il ne s?agit que d?une liste indicative, un premier sondage, qui révèle déjà cependant la richesse du fonds. On aura noté, en effet, la continuité historique qui couvre une période mal connue, la présence de registres de la fin de la période coloniale, à l?époque de l?expédition Leclerc, qui n?existent pas aux Archives de France où ceux de Port-au-Prince s?arrêtent en 1802 et surtout, les tout premiers registres proprement haïtiens, après l?Indépendance, notamment celui des mariages de 1804.

Les actes de naissance

Nous nous en sommes tenus au registre de 1806, An 11 de l?Indépendance, sur lequel nous avait dirigés une recherche ponctuelle.

La première constatation que l?on peut faire est que la quasi-totalité des naissances enregistrées sont celles d?enfants naturels, ce qui confirme ce que l?on savait déjà, à savoir la rareté des mariages dans les premiers temps de l?Indépendance, pratique qui s?est pérennisée. C?est le concubinage (ou "plaçage") qui est de rigueur.

On ne trouve plus les anciens noms de Saint-Domingue, ceux des colons français, si ce n?est pour la désignation des lieux de naissance, "les habitations" qui continuent à porter le nom de leur ancien propriétaire : habitations Gamotte dans les hauteurs de la Montagne Noire (du colon GAMOT), Lépine en plaine, St-Rôme au Morne de l?Hôpital, Guibert au Grand Fond, etc.

La plupart des noms enregistrés sont des prénoms, ce qui correspond bien à ce que l?on connaît dans les inventaires et recensements d?esclaves de la fin du XVIIIème siècle.

Ainsi, par exemple le 21 juin, déclaration de Louise-Charlotte, fille naturelle née le 21 avril, et de Joseph, fils naturel, né le 6 juin;

Le 8 janvier, déclaration de naissance d?Eugénie Antoinette, né le 13 novembre 1804, fille naturelle de demoiselle Marie Catherine, 27 ans, domiciliée en cette ville, et de père anonyme, faite par demoiselle Eugénie Antoinette, 19 ans et messieurs Pierre LALAU, 25 ans et Pierre Quzac, 29 ans;

Le 5 janvier, déclaration de Marie-Roze, née sur l?habitation Fessard, dans les hauteurs de la Montagne Noire, le 5 octobre 1804, filles naturelle de Mélanie, 28 ans, et sieur LÉVEILLÉ, 29 ans, domiciliés sur l?habitation, faite par mademoiselle Marie-Anne, 25 ans et messieurs Jupitaire, 29 ans, et Denis, 30 ans; du même jour, déclaration de Saint-Jacques, né sur l?habitation Choffard dans les hauteurs de Fond-Ferrier, le 5 août 1804, fils naturel de demoiselle Marie Michel, 30 ans, et sieur Jean Mathieu, 28 ans, domiciliés sur ladite habitation, faite par les sieurs Saint-Jacques, 34 ans et Jean-Baptiste, 33 ans, etc.

On est frappé par le retard d?enregistrement de ces naissances qui atteint presque toujours plus d?un an.

Quelques actes plus étoffés, font référence à d?anciennes familles de libres de couleur.

Ainsi le 2 septembre 1806, naissance de Pierre-François, fils naturel et reconnu de monsieur François DUVIVIER et demoiselle Caroline PIERRET, âgée de 29 ans; témoin, Émélie DUVIVIER, demoiselle.

Le nom rappelle celui d?une très ancienne et important famille de la plaine du Cul-de-Sac, originaire de Toulouse, dont le premier représentant semble avoir été François-Jacques DUVIVIER, sénéchal de Léogane, décédé à 55 ans en 1698. Cette famille eut des représentants dans l?administration et le militaire, notamment une branche connue sous le nom de DUVIVIER de la MAHAUTIÈRE, des alliances avec d?autres vieilles familles créoles comme les COUSTARD et les PEYRAT et une nombreuse postérité légitime et illégitime3.

Le 15 octobre 1806 est déclarée par son oncle paternel Jean-Albert LESPINASSE, en présence de Victoire-Modeste FORTIN, parrain et marraine, Marie-Louise-Jeanne-Victoire, née le 21 août, filles légitime de Jean-François LESPINASSE, négociant, Âgée de 23 ans et de demoiselle Marie Jeanne Bauvais, Âgée de 23 ans. Tous ont signé l?acte d?une écriture aisée et l?épouse utilise le paraphe BAUVAIS LESPINASSE, nom que l?on retrouve sous cette forme plus tard, chez l?auteur de "l?Histoire des affranchis de Saint-Domingue".

Le formalisme de bon ton, les signatures, l?abondance des prénoms, le caractère légitime de la naissance et du mariage donc, les noms même, tout évoque l?Ancien-Régime et le monde des colons dont cette frange supérieure des libres n?était pas très éloignée, en dépit du préjugé de couleur. On distingue d?ailleurs mal les branches légitimes et illégitimes de la famille LESPINASSE à Saint-Domingue, en raison notamment de la similitude des prénoms. De noblesse d?extraction en France (1515), la famille serait originaire de Guyenne ou du Béarn, passé en Normandie au XIVème siècle 4. Elle a, à la fin du XVIIIème siècle, de nombreux représentants à St-Domingue, propriétaires dans le Nord, au Cap, au Limbé, au Port-Margot, au Borgne, à Port-de-Paix; dans le Sud, aux Cayes-de-Jacmel et à Petit-Goâve; dans l?Ouest à l?Archahaye, à la Petite-Rivière de l?Artibonite, et surtout dans la région de Port-au-Prince où les frères Jean-Baptiste, Albert, Jean-François et Guillaume LESPINASSE possèdent deux maisons en ville, place de l?Intendance et rue de Vaudreuil, un emplacement à bâtir et une caféterie dans les hauteurs de Bellevue 5 . L?un des frères LESPINASSE (Jean-Baptiste ou Jean-François, selon les versions) fut représentant des planteurs blancs au Concordat de la Croix-des-Bouquets signé avec les Affranchis en 1791 et commandait le détachement des habitants du Grand-Fond qui se heurta, en août de la même année, à ces derniers à Nérette. Un autre membre de la famille (Pierre-François), ancien curé de Jérémie, réfugié à la Jamaïque en 1795, connut une vie particulièrement agitée au point d?être excommunié en 1800 par le Pape Pie VII.

À l?origine de la branche haïtienne de la famille, qui se subdivise aujourd?Hui en LESPINASSE et de LESPINASSE, est Jean-François LESPINASSE, qui vraisemblablement enfant illégitime de couleur, celui que l?on retrouve dans l?acte ci-dessus, négociant âgé de 23 ans en 1806, qui devint plus tard juge en cassation (1817) puis sénateur (1818). Quant à l?oncle Jean-Albert, il semble différent, lui aussi, de l?ancien colon du nom d?Albert. Même incertitude en ce qui concerne Joseph-Guillaume, capitaine de dragons de la Garde Nationale de Port-au-Prince, âgé de 31 ans en 1799 dont on ne sait trop s?il s?agit d?un enfant légitime ou naturel de la famille 6. On retrouvera plus tard et jusqu?à l?époque contemporaine, des membres de la famille LESPINASSE, gros propriétaires fonciers dans la Plaine du Cul-de-Sac, juriste, journalistes, ingénieurs, docteurs.

Le nom de la mère BEAUVAIS, est aussi caractéristique de l?appartenance à la classe des "anciens libres". Il s?agit de la fille du général Louis-Jacques BEAUVAIS, quarteron né à Port-au-Prince en 1760, vétéran de la Guerre d?Indépendance américaine, l?un des tout premiers chefs des hommes de couleur, disparu dans un naufrage en 1799 en quittant la colonie. De même pour la marraine dont le nom, FORTIN, rappelle celui de l?habitation Fortin-Bellantou aux portes de la Croix-des-Bouquets.

Même dans cette classe sociale, le mariage est rare et les actes de reconnaissance nombreux.

Ainsi, par exemple, le 17 février, déclaration de Jean Marcelin, né en ville le 9 dudit mois, fils naturel de monsieur VILLEJOINT fils, 25 ans, et demoiselle Charlotte CASNAC, 22 ans, domiciliés en ville, ledit déclarant "se reconnaît être le père naturel de l?enfant ce qui m?a été confirmé à l?instant par l?aveu de la mère ici présente et sur l?attestation de monsieur Marcelin, 40 ans, et demoiselle Bonne PASQUIER, 20 ans, tous deux propriétaires". Le père a signé l?acte.

Un VILLEJOINT était Premier Surveillant de la loge "La Vraie Gloire" à Saint-Marc en 1826. Ou encore, avec la même formule rituelle, déclaration le 27 juillet, d?Hippolite, né le 23 août 1805, fils naturel de demoiselle Suzette BAUGÉ (nom provenant de l?habitation Baugé en Plaine du Cul-de-sac), 26 ans, l?habitante de la Croix-des-Bouquets, domiciliée en ville (le terme "habitante" est pris ici dans son sens ancien de propriétaire d?une plantation), et sieur Ferdinand BOUZI, de Jacmel, 31 ans, témoins, Hippolite BOUZI, 37 ans, administrateur à L?Arcahaye et dame veuve PINGANEAU, 45 ans, habitante de la Croix-des-Bouquets, qui ont signé l?acte.

On trouve cependant parfois une naissance légitime comme celle de Pierre DELFORT, le 20 août (déclaré le 13 octobre), fils légitime de monsieur François GENTY LAPORTE, 30 ans, habitant du Mirebalais, et dame Clotilde-Louise de NAMURE, 38 ans, son épouse; témoins, le sieur Pierre LALAU, 26 ans, maître tailleur, et la demoiselle Eugénie ETENEAU, 20 ans; acte signé par le père.

Sur certaines actes apparaissent des noms de militaires de haut grade :

Le 9 février, déclaration de Marie-Brigitte FORTIN, née en cette ville, le 9 janvier 1805, fille naturelle de demoiselle Marie-Anne MAURONVILLE, 30 ans, et sieur Clotte FORTIN, 32 ans, navigateur; témoins monsieur Zamis LAFONTANT, 37 ans, chef de bataillon à la 22ème demi-brigade, et dame Paul LACROIX, 33 ans, parrain et marraine. Ou encore : le 15 février, Jean Baptiste CELESTIN, né le 18 septembre 1805 sur l?habitation Jong (sucrerie Jonc, plaine du Cul-de-Sac), fils naturel de monsieur BELLATON, (nom d?une autre habitation de la plaine), officier de cavalerie en garnison à l?Artibonite, et de demoiselle Barbe domiciliée sur ladite habitation; parrain et marraine : M. Harmand LOMINÉ (qui signe), 30 ans et Célestine FENET, 30 ans.

Des noms très connus, de familles anciennes et grands dignitaires, apparaissent aussi :

Le 15 octobre, Jean-François, né le 7 janvier, fils naturel et reconnu de Jean Louis David RATEAU (famille RASTEAU, d?origine rochelaise), 41 ans, habitant propriétaire à Port-au-Prince, et demoiselle Marie-Françoise LAROUX (famille originaire du Sud-ouest); parrain et marraine : Son Excellence le général de brigade GERMAIN, aide-de-camp de S.M. l?Empereur (Jacques 1er Dessalines) et commandant de l?arrondissement de Port-au-Prince (il s?agit du fameux GERMAIN frère, né sur l?habitation de ce nom), et dame Marie Michel, époux GERMAIN.

Le 12 novembre, William Alexandre, fils naturel de demoiselle Agathe CHANCY CHACHERON, 20 ans (les Chancy apparentés à Toussaint LOUVERTURE) et de Samuel DAUROU, négociant, présenté par sa grand-mère, Luce Manette MARSILLY (nom d?un village de la région de La Rochelle), qui ont tous signé l?acte.

Le 5 octobre, Augustin THÉZAN, fils naturel d?Élizabeth de NAU, 24 ans, et sieur Jean THÉZAN, 28 ans, propriétaire (Le Sénateur THÉZAN était député grand-maître du Grand Orient des Anciens Francs et acceptés Maçons d?Haïti en 1826 et V. THÉZAN habitant, et était grand-intendant avec le pharmacien en chef Thomas Madiou). L?enfant est parrainé par Auguste-Jean-Pierre NAU, 30 ans, habitant propriétaire (le futur trésorier général) et demoiselle Marie-Antoinette THUET, dite dame THÉZAN, 20 ans, également propriétaire.

Le 23 juin, Jean-François-Joseph DUTON, fils légitime de monsieur Joseph-Balthazar INGINAC, 31 ans, habitant propriétaire (l?auteur des "Mémoires" qui n?était pas encore général de division et secrétaire du président de la République) et Renée-Adrienne-Zelmire MORISSEAU, son épouse, 27 ans, habitante (nom venant d?une habitation et famille charentaise); parrain et marraine, son oncle René Joseph MORRISEAU, 21 ans et sa tante Renée-Roze MORISSEAU, 20 ans, habitants.

Avec ce type de famille, on se trouve au c?ur du processus de consolidation de ce qui devint dans l?Haïti indépendante la nouvelle élite sociale, la bourgeoisie mulâtre traditionnelle.

Mais déjà apparaît sur d?autres actes une nouvelle classe dominante en gestation, celle des militaires noirs portés au pouvoir depuis l?ascension de Toussaint LOUVERTURE à la faveur des troubles révolutionnaires, et plus tard par la guerre d?Indépendance et le règne de DESSALINES.

C?est le cas, qui ne sont que des prénoms, et l?absence d?union légitime, le 21 décembre 1806, d?Estazée, fille de demoiselle Hortense, 24 ans et sieur Janvier, militaire à la 10ème demi-brigade du Mirebalais.

Les noms, qui ne sont que des prénoms et l?absence d?union légitime, font penser à la classe de ceux que l?on appelait à la Révolution les "nouveaux libres", c?est-à-dire les anciens esclaves libérés par le commissaire civil SONTHONAX en 1793. La naissance a eu lieu sur l?habitation Fleuriau dans les hauteurs du Mirebalais, petite caféterie qui appartenait autrefois à une "ancien libre", Jean-Baptiste FLEURIAU-MANDRON, fils naturel mulâtre du colon rochelois Aimé-Benjamain FLEURIAU qui l?avait installé de son vivant, en 1777, sur ce bien avec une dotation de 4 esclaves dont nous retrouvons peut-être sur cet acte les descendants, nouveaux propriétaires.

En effet, Jean-Baptiste FLEURIAU-MANDRON est décédé depuis 1785, son frère Pierre-Paul, l?un des premiers représentants des hommes de couleur "a été victime de la Révolution en mars 1800" selon une lettre d?époque et le dernier porteur mâle du nom, le jeune FLEURIAU qui avait assisté au massacre de toute sa famille par Dessalines en 1800, s?était donné la mort en 1802 d?une balle de pistolet au moment où l?on s?apprêtait à l?enrôler de force. Il est probable qu?à ce moment là l?habitation aura été réquisitionnée et donnée à un militaire.

Sur cet acte de naissance apparaissent également le nom de la marraine "demoiselle Estazée, 26 ans, demeurant en ville" et du parrain, "Saulon, 28 ans, domicilié sur l?habitation Lerimbour" aux Grands-Bois, toute proche et dont le nom a pour origine celui du basque Michel-Joseph LERIMBOURE, premier maire de Port-au-Prince et procureur de la grande sucrerie Fleuriau en plaine du Cul-de-Sac appartenant à Aimé-Benjamin FLEURIAU.

On peut voir par là comment les liens d?Ancien Régime subsistent et en déduire que c?est vraisemblablement LERIMBOURE qui avait traité l?achat de cette caféière voisine de la sienne pour le fils mulâtre d?Aimé-Benjamin FLEURIAU dont il déplore d?ailleurs la mort en 1785. 7.

Précisons enfin, à propos de ce type d?actes, qu?ils ne peuvent fournir la base d?une étude systématique et exhaustive, bon nombre de naissances échappant à l?enregistrement faute d?avoir été déclarées, à l?exception de quelques familles aisées que l?on retrouve facilement dans les registres en s?attachant à la seule observation des rares signatures.

Les mariages

On saisit sans peine le caractère exceptionnel du registre des mariages de 1804, An 1er de l?Indépendance.

Il est d?autant plus intéressant pour l?histoire qu?il permet d?apprécier la rupture ou la continuité qui peut exister entre les premiers mois de l?année où subsistent encore, comme des vestiges de l?Ancien Régime, les noms de quelques colons blancs français qui avaient choisi de rester en Haïti indépendante, et la période qui suit la décision radicale de Dessalines d?éliminer les derniers représentants de l?ancienne métropole, que l?on peut fixer très précisément pour Port-au-Prince, entre le 16 et le 25 mars 1804.

C?est ainsi que dans les premiers mois de l?année, on trouve encore bon nombre d?actes concernant des Français :

Charles LEMERCIER, négociant en villes, originaire de Chérancé Le Roussel (Manche) épouse Marie-Rose Gilbert, de Bordeaux (Gironde);

Gérard PINEL, ferblantier, originaire d?Herblier près de Nantes (Loire-Inférieure), épouse Marie MARTIN, en présence de Nicolas Grégoire COL, prêtre, âgé de 53 ans, et de Hilaire BUSSIÈRE, habitant, Germaine LAHEUX et Joseph-Augustin COSNAIS;

Charles COLAREY, de Pinay (Aube), propriétaire au Mirebalais, âgé de 32 ans, épouse demoiselle Anne-Marie-Charlotte BLANCHOIRE, de Mirebalais, en présence de Louis FOURCAND, imprimeur, Pierre JAUSSIOU, Jean-Pierre DALMASSY (famille de l?Arcahaye) et André BELLISLE (famille du Cul-de-Sac) témoins;

Nicolas PASSÉ, menuisier, de Vandoeuvre en Champagne, fils d?un vigneron, épouse demoiselle Marie-Jeanne CHAPLAIS, de Saint-Marc;

Antoine DALBOUSSIÈRE, marchand, natif de Lyon, 34 ans, épouse Louise-Adélaïde MARCHERY, de Fécamp, habitant au Petit-Goâve, en présence de Jean-Baptiste Firmin PETOT.. de St-Pierre de la Martinique? pour la plupart occupés dans le commerce et venant des États-Unis.

On constate qu?il s?agit presque uniquement de petits blancs dont peu sont propriétaires. Peu de créoles parmi eux, peu de noms anciens et connus dans la colonie, peu de survivances également dans les familles haïtiennes postérieures. Ce sont apparemment, pour la plupart, des aventuriers de la dernière heure qui d?ailleurs continuent à se marier dans le même milieu petit-blanc et disparaîtront sans laisser de traces, sauf peut-être FOURCAND (imprimeur) et SALADIN (pharmacien) dont les noms se retrouvent, plus tard, dans les familles haïtienne, et qui ont pu être épargnés en raison de l?utilité sociale de leur métier, comme le veut la tradition historique haïtienne.

Les noms connus, ceux "d?habitants", les grands propriétaires colons, sont à rechercher dans les actes concernant leurs enfants illégitimes de couleur qui après la Révolution ont pu reprendre les noms de leurs parents que l?Ancien Régime leur interdisait d?utiliser.

On trouve ainsi à Léogane , le 4 février 1804, le mariage d?Antoine CARRIÉ, de Léogane (sans indication de parents mais qui doit être un fils du colon nantais du même nom) et Marie-Marguerite DUBREUIL, fille de Jean DUBREUIL et Sophie Éléonore CHABERT, veuve Léon LE DOUX.

Les DUBREUIL semblent originaires du Sud-ouest de la France et sont une des plus anciennes familles de Saint-Domingue, l?ancêtre Guillaume du BREUIL étant arrivé en 1671 8 . À la fin du XVIIIème siècle, on trouve des DUBREUIL surtout dans le Nord (Grande-Rivière, Petite-Anse, Le Borgne), mais aussi à Léogane et aux Cayes (F.DUBREUIL, notaire en 1848 et représentant de la commune de Torbeck à la Chambre 9.

Des LEDOUX ET CHABERT étaient propriétaires dans la plaine du Cul-de-Sac. Peut-être y a-t-il eu là mariage mixte, entre un homme de couleur et une fille et veuve de colons blancs français?

Louis CARRIÉ fils épouse, quant à lui, une Marie-Ursule LAVALLÉE qui semble être une demoiselle de couleur. Pierre CHEVÉ DAUPHIN, 25ans, est témoin du mariage des parents.

Le mariage, le 21 mai 1804, d?un La THOISON des VALLONS, 30 ans, de la Croix-des-Bouquets, avec la demoiselle Marie-Agnès PRADAILLÉ, rappelle une autre grande famille de la plaine du Cul-de-Sac, les LA TOISON, subdivisés en plusieurs branches, LA TOISON LA BOULE, de ROCHEBLANCHE, des VALLONS? Le marié est le fils de feu LA TOISON LA BOULE, colon blanc de l?Arcahaye et Marie-Agnès DUVAL dont on ne peut dire si elle blanche ou de couleur tant les DUVAL étaient nombreux dans la Plaine. La mariée est fille de PRADAILLÉ Aîné, chirurgien, qui peut être un blanc et Marie-Françoise DÉROULÈDE. Les témoins sont Louis ROBION, 39 ans, cousin de l?époux (de la famille ROBION ET ROBION de la VRIGNAYE, propriétaires dans la Plaine et à Saint-Marc, Jean-Baptiste VIAU, 26 ans (lui aussi d?une famille de la Plaine), Henri Saint-Rome, 46 ans, aussi cousin du marié, et Joseph LAFONTANT, 45 ans.

Le 18 février 1805, Jean-Baptiste HILAIRE, habitant des hauteurs de ;a Petite Plaine de Léogane, natif de Grand-Goâve, âgé de 52 ans, épouse dlle Anne Adélaîde LEFÈVRE, 30 ans, de Léogane. Trois enfants sont reconnus : Marie-Thérèse, 12 ans, Jean-Pierre, 10 ans, Jean-Simon, 6 ans. Le nom s?est perpétué jusqu?à aujourd?hui dans une importante famille haïtienne comprenant notamment un général et ministre portant le même prénom.

Le 17 août 1805, Jean-François LESPINASSE, 22 ans, négociant natif de Port-au-Prince, fils naturel de feu Jean-Baptiste LESPINASSE, colon blanc, et Anne, à coup sûr une femme de couleur, épouse demoiselle Marie-Jeanne BEAUVAIS, fille légitime du général Louis-Jacques BEAUVAIS et de feue demoiselle Marie-Marguerite FORTIN, tous deux libre de couleur, la mère issue d?une ancienne famille française de la Plaine. Les témoins sont : Michel-Alexandre PERDRIEL, 40 ans, le capitaine Augustin Jean-Pierre NAU, 31 ans, garde-magasin général, fut sénateur et ministre des finances de Pétion, issu d?un colon du sud, Pierre TEZAN, 32 ans, négociant et futur sénateur, et Jean-Pierre BOYER, 30 ans, colonel et futur président de la République, (issu de la famille française des frères BOYER, propriétaires à Port-au-Prince, apparentés aux BOYER de la GAUTRAYE.

Le mariage de Joseph-Balthazar INGINAC, âgé de 28 ans, natif de Léogane, lieutenant et directeur des domaines de l?État pour le département de l?Ouest, a lieu le 14 avril 1804. Il sera plus tard sous Boyer général de division et secrétaire particulier du président avant de finir en exil à la Jamaïque où il écrira ses Mémoires. Il était, lui aussi,, fils naturel d?un colon blanc dont le nom n?est pas porté sur l?acte. Il épouse la citoyenne (terme encore en vigueur à l?époque) Renée-Adrienne-Zelmire MORISSEAU, habitante de la Petite-Rivière de l?Artibonite, âgée de 24 ans, en présence de la citoyenne Henriette BRISARD, sa mère, deux noms qui rappellent les familles de colons charentais. Les témoins sont : Alexandre PÉTION, général de division, commandant le département de l?Ouest et conseiller d ?état, alors âgé de 34 ans, Jean-François GERMAIN, 38 ans, aide-de-camp du gouverneur général (titre dont usait alors Dessalines), commandant particulier à Port-au-Prince, Joseph Alexandre, 30 ans, administrateur principal du département de l?Ouest, et Augustin Jean-Pierre NAU, 27 ans, garde-magasin général (on remarque la différence d?âge avec l?acte précédent).

Nous sommes là en présence de quelques unes des plus hautes autorités du nouvel État dont les biographies sont bien connues. Rappelons pour mémoire que Pétion était né à Port-au-Prince le 2 avril 1770 d?un colon français, Paschal SABÈS, et d?une mulâtresse nommée Ursule et que Jean-François GERMAIN, plus connu sous le nom de Germain Frère, né sur l?habitation de ce nom en 1771, fut exécuté au lendemain de l?assassinat de Dessalines en 1806. Sur son acte de mariage du 19 janvier 1805 avec Marie MICHEL, il porte le titre de colonel.

Citons encore, au hasard, quelques autres noms qui apparaissent dans ce registre :

CHARLESTEGNY, négociant, 48 ans, un des derniers français encore présents dans les premiers mois de l?année 1804, colon d?origine basque, fermier notamment en 1792, avec son compatriote CASTAING, de l?habitation Beudet aux Petit-Bois dans la Plaine du Cul-de-Sac 10

Jean-François CADOUCHE dont le nom rappelle celui de la famille de CADUSH copropriétaire de la grande sucrerie Cadush avec BARRÉ SAINT-VENANT, l?auteur des "Colonies modernes" et gérant réputé;

Bélair ALVARES, habitant propriétaire à Miragoane dont le nom rappelle celui d?une famille de la "nation portugaise" les commerçants juifs sépharades de Bordeaux, et d?un notaire de Léogane en 1818 11 .

Les actes de mariage, par l?abondance, des renseignements qu?ils fournissent et leur sûreté d?interprétation due à la présence des deux familles parentales, sont habituellement la première source des études généalogiques, mais il faut compter avec la sous-déclaration due à la faiblesse de l?institution qui, d?ailleurs, subsiste.

Les actes de décès

Nous avons pu procéder à quelques sondages dans les registres couvrant la période 1802-1805 et à une étude plus approfondie du registre de l?année 1819.

Le 23 prairial An X, décès de la veuve BARBANCOURT (habitation à l?Arcahaye, famille d?origine bordelaise, à l?origine du plus célèbre rhum d?Haïti) 12 , de Marie-Antoinette LILAVOIS (famille du Cul-de-Sac) à postérité naturelle de couleur) ;

Le 17 prairial, Louise-Claire-Angéline-Adrienne DUPATY (importante famille de magistrats bordelais et rochelais, propriétaire d?une grande sucrerie à l?Acul du Nord, âgée de 13 mois, fille de Louis-Michel-Auguste DUPATY, propriétaire au Limbé et Bonne-Thérèse-Amélie-Guy COUSTARD, décès déclaré par Charles-Joseph-Robert PEYRAC, propriétaire au Cul-de-Sac, 41 ans (un marquis dont l?habitation est toujours connue sous le nom de Péra);

Pierre-Jérôme SAINTARD D?HOEURGIVAL, fils de Pierre-Gédéon et Élisabeth de LA TOISON, enlevé de son habitation et assassiné le 30 Pluviôse (19 février 1802 à l?âge de 49 ans. Il s?agit de la grande sucrerie SAINTARD aux Vases (Arcahaye) 13 évoqué par A. de LAUJON dans ses "Souvenirs" pour la splendeur des fêtes qu?y donnait madame de SAINTARD. La famille était apparentée aux comtes de DION et aux SIBERT de CORNILLON. Ce décès par mort violente, déclaré seulement le 13 floréal (3 mai) 14 est consécutif aux mouvements de révolte qui ont suivi l?arrivée de l?expédition Leclerc.

Un autre registre de 1802 couvre la fin de l?année, les mois de septembre à décembre (Vendémiaire à Nivôse An Xl). Avec la pacification relative et la reprise consécutive des relations commerciales, on y trouve bon nombre de décès de marins sur des navires en rade.

Des Français d?abord :

Le 14 Vendémiaire, Alexandre SIMON, 40 ans, de Dieppe (Seine-Inférieure), matelot du navire "Lunes", capitaine PIGNON-BLANC, et François LAMBERT, 37 ans, du Hâvre de Grâce (Seine-Inférieure), maître voilier à bord de la "Jeanne Mathilde" de Bordeaux, décédé dans la maison de la veuve GIRARD, place du Morne à Tuf (place Sainte-Anne aujourd?hui).

Dans la même maison, qui devait servir de clinique, le 17, Jean DUFFOURD, 21 ans, pilotin de la frégate "l'Égyptienne", capitaine TOZIN; le 18, Didier Joseph JACQUES, 37 ans, de Paris, célibataire, lieutenant de la même frégate; le 20, Nicolas SERVIÈRE, 24 ans, de Bordeaux, tonnelier de "l?Auguste", capitaine Jean Baron, fils d?un maître de chais.

Ces décès rapprochés, auxquels, il faut ajouter, pour la frégate "l?Égyptienne", le 16, celui de PATTY d?HAULEAU, 32 ans, matelot né aux Etats-Unis, sont peut-être dus à une épidémie.

On trouve également d?autres marins étrangers comme André SMITH, matelot du brick "Master", 24 ans, décédé le15; William JONES, de Norfolk, matelot du brick " N.. ", capitaine MAUGTON; le 13, Jacques DOMAI, 30 ans, né aux Etats-Unis, matelot du brick amérivain "Anna" capitaine Joseph EBEN, le 20, ou bien des Français comme Jean DERONDIER, 11 ans, mousse du "Lunes", né à Saint-Malo, mort le 15 à l?hôpital Poujol, comme les trois marins précédents. Il s?agit de la "maison" du citoyen Jean-Marie POUJOL au Bel-Air (à l?époque le meilleur quartier de la ville, d?où son nom), officier de santé et entrepreneur d?un hôpital, selon les actes, qui est à l?origine d?une famille haïtienne actuelle et pourrait avoir été épargné en 1804 en raison de sa qualité de médecin.

C?est dans cet hôpital, qui semble mieux prisé que la maison Girard, que sont soignés les passagers des navires comme Domingo d?ABLENTONDO, 36 ans, natif de Beyrie, canton de Garres" (mauvaise compréhension de "Lescar" qui ouvre des horizons sur les difficultés de communication linguistique entre les diverses provinces françaises à l?époque), département des Basses-Pyrénées, fils légitime de Pierre et de Catherine BEROQUI, propriétaire audit lieu, y celui passager à bord du navire "l?Auguste" de Bordeaux, capitaine PEYRAN", décédé le 26 Brumaire, à 7 heures du soir.

Autre passager béarnais, décédé le 20 frimaire, Xavier CAPDEBONT de Sainte-Marie (Sainte-Marie d?Oloron), 25 ans, fils de feu Pierre et Magdeleine BARRÈRE, célibataire, sur le navire "La Reine des Indes" de Bordeaux.

Certains de ces passagers sont des habitants de retour dans l?île à la suite de l?Expédition Leclerc, comme Bonne-Aventure SENTOU, célibataire de 22 ans, passager du navire "Le Rochambeau", capitaine POICAN, décédé le 23 vendémiaire chez sa propriétaire Marie-Laurence LEROUX, né le 26 février 1780 à Agen (Lot-et-Garonne), de Georges SENTOU, constructeur de moulins et Jeanne-Marie CARRIÈRE, et qui devait être un parent des SENTOU du GERS, propriétaire au Plateau du Rochelois;

Ou bien Renaud BLONDEAU, célibataire de 45 ans, de Meyrac, ci-devant province de Basse-Marche (Limousin), profession de maître de chais, décédé le 17 vendémaire chez BARON 15, Place Valière;

Ou encore l?horloger GIRARD, marié à une marchande limonadière de Morlaix (Finestère), mort le 14 dans la maison de la citoyenne SALVY sur la place du Marché;

L?épidémie de fièvre jaune n?exerce pas encore ses ravages, aussi trouve-t-on peu de militaires dans les décès : Charles MESNARD capitaine-adjoint à l?État-major général de l?armée de Saint-Domingue, décédé le 19 vendémiaire dans la maison du citoyen Claude-Benjamin ROBION LAVRIGNAIS, 37 ans, au no 593 de la rue des Capitaines, chef de maison du défunt (et habitant propriétaire d?une sucrerie au Mirebalais), est peut-être l?un des premiers cas. Deux autres habitants sont témoins de l?acte montrant ainsi les liens entre les propriétaires et l?armée d?expédition : Marie-Esprit CHABOT, 54 ans, (famille du Comte de CHABOT à la Croix-des-Bouquets) et François-Pierre Marie CHANCEREL (habitation Chancerelles aux portes de Port-au-Prince), 39 ans, attaché à l?État-major de l?armée.

Le registre de l?an X1 qui commence au 17 nivôse (7 janvier) couvre une bonne partie de l?année 1803 (jusqu?à la fin de septembre). Il comprend un répertoire qui facilite les recherches. On y remarque d?abord des noms de colons connus :

Jacques GAMOT (commissaire des blancs de Port-au-Prince au Concordat de la Croix-des-Bouquets en 1791), fils de Jacques GAMOT et Marie-Anne SAVARY 16 (famille de Saint-Marc), décédé le 26 nivôse;

Élizabeth SAINT-ARROMANT (nom porté par la suite par une famille haïtienne, dont un général), fille de feu SAINT ARROMANT, négociant à Léogane, et Sara BÉNÉZEC (nom du préfet colonial au Cap, ancien ministre de l?intérieur), décédée le 25;

Pierre Jeanne Marie Élisabeth, de Jean-Raymond BAIN et Marie-Françoise PINCHINAT ( nom d?un des premiers représentants des hommes de couleur au Mirebalais), le 30;

Constat du décès de Charles HANUS, baron de JUMÉCOURT, à Kingston le 1er décembre 1798, âgé de 51 ans, par l?abbé de l?ESPINASSE (ils étaient tous deux émigrés, ayant servi les Anglais), légalisé en présence des sieurs E. ROLLAND, d?HEILLECOUR, GRAVELLE, BROUET, GRANDMAISON, témoins;

Constat de l?assassinat de Charles BARENTIN DE MONCHAL en l?an V sur l?habitation Hosten (à l?Arcahaye), "par des nègres révoltés", daté du 20 floréal;

Et le plus curieux de tous peut-être, l?enregistrement le 1er floréal du décès de "Louis-Philippe LULLY LA SOUFFRIÈRE, mort à 5 heures du matin, âgé de 60 ans, habitant à ?Arcahaye réfugié en cette ville, célibataire", déclaration faite par Pierre-Claude LULLY-FROMENCOURT, 66 ans, frère du défunt, sur attestation de Jean-Louis LULLY, 40 ans, marin, et Guillaume LULLY, 20 ans, marin, "décès constaté dans la barge du citoyen Lully " (suivent 3 signatures des Lully). Il s?agit de Philippe-Louis-Parfait LULLY, né le 16 décembre 1740 et de son frère Pierre-Claude LULLY de FROMENCOURT, né le 26 juillet 1737, habitant-propriétaire aux Vases (Arcahaye) qui décèdera quelques jours plus tard à Port-au-Prince, le 25 thermidor. Ils étaient tous deux fils de Piere-Claude LULLY de FROMENCOURT (nom de terre d?origine inconnue), habitant de Léogane, aide-major des milices, garde-voyer puis inspecteur des chemins royaux, qui avait épousé à l?Arcahaye en 1733, demoiselle Catherine BROSSARD (d?une ancienne famille du Cul-de-Sac). L?acte de mariage le dit "né à Paris, paroisse Saint-Eustache, fils de Jeab-Baptiste LULLY, musicien ordinaire du Roi et de dame Marie-Louise de FRANCINE-AIMERY". Il se présentait donc comme le petit-fils du grand LULLY, né en Florence, qui avait effectivement un fils du nom de Jean-Baptiste et une fille qui avait épousé un de FRANCINE.

Mais, détail troublant, ce Jean-Baptiste, ecclésiastique, n?a laissé aucune trace de mariage et encore moins de la naissance d?un fils17. Cet acte révèle bien, en dehors, de cet aspect historique intéressant, le degré de dénuement dans lequel se trouvaient certains petits blancs parfois mésalliés. Ici toute la famille semble vivre à bord car Jean-Louis et Guillaume (Guillaume-Charlemagne) sont respectivement le fils et petit-fils de Pierre-Claude, issus de sa liaison avec une femme inconnue.

Précisons en outre que le surnom La Soufrière vient d?un morne (colline) de la région où le défunt devait posséder une petite caféière et qui domine d?ailleurs le petit village haïtien de Luly peuplé de pêcheurs dont certains se prétendent descendants des colons LULLY qui, comme on le voit étaient marins (tous les descendants blancs ou de couleur de cette famille se disent sur les actes "marins" ou "pêcheurs"). Aucun descendant de cette famille ne figure dans l?État de l?Indemnité, ce qui laisse supposer qu?ils étaient devenus haïtiens au moment de son établissement.

On relève aussi dans les actes bon nombre de noms de colons originaires du Sud-ouest :

Outre SAINT ARROMANT (d?origine génoise), Mathurin NAVAILLES (famille landaise et béarnaise), fils de Jacques MAVAILLES et de Marie LA BARE, décédé le 26 nivôse ; Jean-François LABAT, guildivier à Léogane, fils de François et Marie-Catherine LABAT (le 11 pluviôse); Jean-Baptiste LARRIEU, né à Sainte-Marie (OLORON), Basses-Pyrénées (22); Pierre-Bertrand LARRIBAUT, de Toulouse, décès déclaré le 29 ventôse par André LAFARGUE, 34 ans, négociant?

Plus rarement apparaissent des familles de couleur, comme celle des FLEURIAU-MANDRON du Mirebalais, issue d?Aimé-Benjamin FLEURIAU, important colon sucrier de LA Rochelle. Ainsi, le 4 ventôse, décès de Louise-Célestine FLEURIAU, fille en légitime mariage de feu Paul FLEURIAU (Pierre-Paul FLEURIAU-MANDRON, fils d?Aimé-Benjamin Benjamin et de Jeanne dite GUIMBELOT, négresse libre, assassiné au cours de la guerre du Sud entre Toussaint et Rigaud, l?un des premiers représentants des hommes de couleur) et de Victoire MEURISE (mulâtresse libre). Elle était âgée de 22 ans, née au Mirebalais, et veuve de François MILLIET (homme de couleur vraisemblablement, accusé d?avoir provoqué la mort de son beau-frère dans les correspondances familiales)18 . Le décès est constaté dans la maison du citoyens LAHENS (à l?origine d?une famille haïtienne actuelle 19 rue du Belair, en présence de Jean-Baptiste BÉCHADE, orfèvre, cousin germain de la défunte, Michel-Alexandre BERDRIEL, 36 ans, propriétaire au Mirebalais. On trouve là bon nombre de noms d?anciens colons qui ont été repris par leurs enfants naturels après l?abrogation de la loi qui leur interdisait de porter le nom de leurs parents blancs.

Certains colons font enregistrer le décès de leurs domestiques, ainsi Jean-Baptiste CHARLESTEGUY, négociant, 47 ans, pour Charlotte, 50 ans, native d?Afrique (16 thermidor). Le décès de Charles Louis CAZALE, fils de feu Charles, le 2 pluviôse an Xl, rappelle le nom du village qui servit de refuge aux Polonais déserteurs de l?Expédition Leclerc.

Le registre de l?AN Xll, commencé le 1er vendémiaire (24 septembre 1803) est le dernier à utiliser le calendrier républicain dont l?usage cesse une semaine après l?Indépendance, le 17 nivôse (8 janvier 1804). On passe ensuite sans transition au 21 janvier 1804, an 1er de l?Indépendance, ce qui laisse supposer une douzaine de jours sans enregistrements, dus peut-être à une vacance ou des changements dans l?administration. Les derniers actes de l?Ancien Régime colonial sont du même type que précédemment, concernant surtout des passagers de navires qui sont les derniers à accoster dans la colonie, comme les "Trois Frères" de Bayonne, capitaine Noguez, sur lequel décède, le 18 brumaire (10 novembre) Claude Germain BATBY, 35 ans, négociant né à Bordeaux du sieur BATBY et de Magdeleine DUSSIEU, qui avait épousé à Bordeaux une demoiselle BERQUIN (importante famille de colons du Sud, propriétaires au Rochelois, réfugiés à la Jamaïque puis à la Nouvelle-Orléans). Les témoins sont Jean-Baptiste BAZANAC, 34 ans, négociant, et Louis JAVELLE, 21 ans, habitant, franc-maçon, qui doit appartenir à la famille propriétaire de la caféterie du mêmes nom au Rochelois 20.

Après le décès de Pierre SEYES, 22 ans, natif des Cayes, apparaît la nouvelle classe des militaires noirs et de couleur. Cet adjudant de la 13ème demi-brigade, décédé chez la citoyenne française SEYEZ, rue de la Réunion, était le fils naturel du capitaine Julien. Les témoins sont Vital TAPIAU et les citoyens Ulysse, capitaine aide-de-camp, et Jean-Baptiste POMPÉE, 60 ans, propriétaire en ville. L?acte est signé par COULON, officier civil.

Quinze ans après l?Indépendance, le registre de 1819 offre encore quelques traces de la période coloniale. Ce sont d?abord les nombreux décès de natifs d?Afrique, anciens esclaves dont on peut mesurer parfois le cheminement social, qui passe le plus souvent par la carrière militaire avant le statut d?habitant-propriétaire. C?est le cas de BRULÉ CAZE, 55 ans, au surnom évocateur, capitaine à la 3eme compagnie du 1er bataillon du 12eme régiment, décédé le 12 octobre 1818 sur son habitation au Fond Verrette, commune de la Croix-des-Bouquets, certificat établi par le colonel Jacques LESPIÈGLE.

Autre surnom évocateur, celui de LA GRENADE, bombardier au régiment de Port-au-Prince (surnom qui d?ailleurs était déjà porté par le colon Pierre LEZAT, de l?Arcahaye, au XVlllème siècle), décédé le 19 novembre à l?âge de 48 ans dans la maison du commandant SOUFFRAN rue du Port, qui était, lui, brigadier des chasseurs à cheval. Parmi ces "natifs d?Afrique", il est rare de trouver un patronyme à la suite du prénom, comme pour Michel GUÉRIN, 70 ans, décédé le 29 avril chez le citoyen SADANNE, rue du Magasin de l?État (déclaration de son fils Jean-François, 50 ans, assisté de FIGARAU, 28 ans, et SANS SOUCI, 50 ans).

Un nom surtout attire l?attention, celui de Marie-Catherine AFFIBA, native d?Afrique, épouse du citoyen Jean-François CADUSH, décédée le 14 mai dans sa maison rue du Port, sur déclaration de Charles BAZELAIS fils, officier du Génie, 25 ans, (fils du héros de l?Indépendance, Louis Laurent BAZELAIS, général-commandant l?arrondissement du Sud à l?époque21 et du négociant Jean THÉZAN.

Ce nom africain d?AFFIBA était, on le sait, celui de la première femme de Gaou-Guinou, père de Toussaint LOUVERTURE, qui avait été baptisée précisément Catherine après son achat par M. de LA Fontaine, colon des Cayes. S?agit-il bien d?elle?. Elle aurait alors été très âgée, mais son statut de propriétaire, la qualité des déclarants et surtout la concordance des noms incitent à pencher pour cette hypothèse.

Au chapitre des records, notons l?extraordinaire longévité d?Anne-Marie GAUTIER, native d?Afrique, âgée de 110 ans, décédée le 11 avril dans la maison du citoyen A LOMINI, rue de la Réunion (elle serait née en 1709 si l?indication d?âge est fiable).

Autre cas du même type, le citoyen LACOSTE, décédé le 4 juillet dans sa maison de la rue de la Révolution, âgé de 110 ans, dont on ne connaît même plus le prénom. Cet habitant de la Rivière-Froide est un vieux blanc qui est dit natif d?Espagne. Il est plus probable, au vu du nom, qu?il s?agisse d?un Béarnais qui devait s?exprimer encore en gascon, d?où la confusion. Les déclarants sont BAZILE, 32 ans, propriétaire et deux membre de l?ancienne famille COUSTARD, descendants d?un flibustier et de grands sucriers de la Plaine du Cul-de-sac- : Jean-Baptiste, 62 ans et Hansi COUSTARD, 32 ans, lieutenant grenadier de la Garde à pied au gouvernement, dont on retrouve la signature sur beaucoup d?actes.

Autres vieux colons français dont on relève le nom : le 21 avril, Louis MORISSET, 53 ans, habitant propriétaire en cette ville, fils de feu MORISSET et de Suzanne, veuve MORISSET, natif de Saintonge, décès déclaré par son fils Alexandre MORISSET, 35 ans, chef d?escadron des chasseurs de la Garde à cheval du gouvernement, Jean-Joseph BIZE, 32 ans, lieutenant des grenadiers de la garde à pied, et Mahotière LAJOIE, 28 ans, capitaine au 10ème régiment, 1er numéraire.

Ce nom MORISSET rappelle celui d?un héros de l?Indépendance, homme de couleur, commandant de la cavalerie de la Garde d?honneur de Toussaint, qui se distingua à la Crête-à-Pierrot, devint colonel à l?Indépendance, puis Commandant de l?Artibonite et proclama Jean-Louis PIERROT Président de la république à Saint-Marc en 1841. Le colon français Louis MORISSET a donc pu bénéficier d?importantes protections familiales militaires pour se maintenir en Haïti après l?indépendance.

En revanche, on ne peu savoir grand chose de la présence en Haïti à l?époque de François DUCAS (pour DUCASSE vraisemblablement, en tenant compte de la prononciation), "native d?Hortès en Béarn" (Orthez), fille légitime de sieur DUCAS et dame Marianne DUPOND, décédée à l?âge de 11 ans dans la maison du sieur BOUSIGUE, rue du Centre (celle-là même où MAUDUIT DU PLESSIS avait défait les membres du Comité de l?Ouest en juillet 1790), déclaration faite par Edmond BOUSSIGUE, 38 ans et Edouard, 51 ans. Les DUCASSE étaient nombreux à Saint-Domingue, d?implantation ancienne, le porteur du nom le plus connu étant Jean-Baptiste DUCASSE, le célèbre gouverneur de la TORTUE né à Saubusse dans les Landes. Sans précision de prénom pour le père, on ne peut dire quels sont ces Ducasse restés en Haïti après l?Indépendance.

D?autres habitants sont des gens de couleur comme Anne LA THOISON, veuve BIGOT (deux noms de famille du Cul-de-Sac alliées dans leurs enfants naturels), décédée dans sa maison de la rue des Miracles, à l?âge de 90 ans environ, native de la Croix-des-Bouquets, fille naturelle de feu LA THOISON, habitant (colon français) et de Magdeleine; ou encore Guitte COUSTARD, décédée le 16 janvier à l?âge de 78 ans, native de Léogane, fille naturelle de feu COUSTARD (colon français et Magdeleine, déclaration faite par Ransi COUSTARD, Alexis HENRY, propriétaire, 49 ans, et DESRUISSEAUX BLOND, 32 ans;

Ou bien Pierre-Joseph PERPIGNAND, époux de la dame Suzanne DESTRÉ (D?estrées?) 22 qui déclare le 22 juillet le décès dans sa maison, rue du Port, de son fils Pierre-Joseph-Alexandre-Annibal, âgé de 3 ans et demi, assisté des citoyens DESTRÉ, 18 ans, Nicolas 35 ans, capitaine bombardier au 1er régiment de l?Ouest, et ARDOUIN aîné, 56 ans, négociant en ville (famille des historiens et ministres Céligny et Beaubrun ARDOUIN;

A cette strate supérieur de la société de l?époque, appartiennent aussi les négociants bien installés sur la place, comme Jean-Louis SÉAQUE, négociant et propriétaire en ville dans sa maison, rue du Quai, à l?âge de 52 ans, acte signé par BELIZAIRE, 24 ans, Bernard PAUL, 27 ans, sergent-major des grenadiers de la Garde à pied du gouvernement, et PITRE aîné (nom d?origine hollandaise), 45 ans, colonel attaché à l?État-Major du Président.

Parmi eux, un bon nombre d?étrangers parfois alliés à des familles haïtiennes comme Eliphales SCRIBNER (anglais ou américain), époux de Marie-Renette COLOMBEL (de la famille du directeur du lycée) qui déclare, en présence des citoyens GUINDET, Déricé BÉCHET, 21 ans, et MALARY, 40 ans, agissant pour le sieur Jean ÉLIE, négociant consignataire. Ce dernier, plus tard membre de la Chambre des Comptes 23 appartient à la famille du colon de Saint-Marc, Pascal ÉLIE, qui s?était signalé à la prise de la Bastille et dont les enfants étaient revenus en Haïti après l?Indépendance.

Un cas curieux est celui de Robert SUTHERLAND, négociant en ville, décédé le 18 mai à l?âge de 45 ans, à une heure du matin, dans la maison de S. Exc. Le Président d?Haïti, rue du Magasin de l?État. Il est dit originaire du Comté de Sutherland en Écosse, fils légitime de sieur et dame Sutherland. Les témoins sont Georges RACSTER, 32 ans, et John WILLIAMSON, 31 ans, médecin de la Garde du gouvernement (vraisemblablement anglais) et le déclarant François POUILHAN, commerçant, 35 ans, qui a signé l?acte (famille coloniale de l?Arcahaye). Il avait eu de Bonne JARTAU un fils naturel prénommé Alexandre, décédé à 4 ans, le 22 juillet, chez Cadet JARTEAU, rue du Peuple, déclaration de la citoyenne Silvanie, cousine, Charles BAZILE, propriétaire et Ransi COUSTARD.

On trouve encore quelques Français dans ce secteur d?activité :

Charles-Antoine-Joseph CHABAILLE d?AUVIGNY, né à Paris, 24 ans, commerçant en ville, décédé le 10 novembre, déclaration faite par Jeanne-Marie VIGOUREUX (famille de ce nom à Bayonne et dans le nord de Saint-Domingue au XV111ème siècle) 24 et Pierre-Alexandre DEHAYES.

Ou encore DORIOL fils, mort le 2 mai à 20 ans dans la maison du général BERGERAC (BERGERAC TRICHET), rue des Miracles, natif de Bordeaux, fils légitime de feu DORIOL et dame Rochette TRICHET, déclaration faite par Joseph TRICHET, 21 ans, Bardet SALQUES, 27 ans, et FRESNEL. Ce négociant bordelais avait épousé une fille ou parente du puissant général de brigade BERGERAC TRICHET dont il bénéficiait de la protection.

Un autre Français, et non des moindres, qui jouit d?une protection particulière est l?ex-conventionnel Jacques-Nicolas BILLAUD DE VARENNE (particule figurant sur son acte de décès) natif de LA Rochelle, âgé d?environ 60 ans, qui avait été fort bien accueilli en janvier 1816 par le Président PÉTION qui l?avait nommé conseiller du Grand Juge SABOURIN (famille de colons sucriers du Boucassin au XV111ème siècle). Son décès, daté du 13 juin, est déclaré le 30 décembre par Guy-Joseph BONNET, général de division commandant l?arrondissement des Gonaïves (l?auteur des »Souvenirs historiques» rapportés par son fils Edmond). Les témoins sont Jean-Baptiste VIAU, 40 ans, capitaine aide-de-camp du Président d?Haïti, propriétaire et interprète juré et COLOMBEL, 33 ans (sans précisions, jeune mulâtre qui avait été élevé en France et devint secrétaire de Pétion, directeur de journaux et du lycée). Le décès a été constaté dans la maison de la citoyenne Marie-Jeanne BROUSSE, rue des Fronts-Forts (une actrice de ce nom au XV111ème siècle) 25.

Dans la classe militaire, on peut distinguer les officiers supérieurs, liés aux grandes familles bourgeoises propriétaires comme Louis LUBIN HUDICOURT décédé le 2 avril à l?âge de 53 ans sur son habitation à Bizoton. Il était colonel de cultures, natif de l?Artibonite et fils naturel de feus Lamour et Angélique. Les déclarants sont : SIMON 56 ans, sénateur, Richet BELIN, 28 ans, » Défenseur public» (procureur) et GANTIER, 30 ans, sous-lieutenant au 10ème régiment. Ou encore : Louis DUPUY-SÉGUR (deux noms d?importantes familles coloniales), commandant âgé de 35 ans, décédé en juillet (déclaration de JOUVET, franc-maçon).

D?autres officiers signent certains actes, comme Louis LEBLANC, 35 ans, capitaine au 11;eme régiment, qui déclare le décès, le 2 août, du jeune Jean-Baptiste, 3 ans, fils naturel du sieur Baptiste et de la citoyenne Fine LOREILLE, demeurant rue République (témoins : Juste LAFONTANT, 36 ans, et CHÉRI, 35 ans).

Le caporal COUTON, 28 ans (déclaration du tambour-maître, FERDINAND, 30 ans) et le citoyen BATAILLE, soldat au 14ème régiment, qui déclare, le 30 juin, en compagnie du citoyen CHOUEN, le décès de sa fille naturelle Marie-Roze, âgée de 2 ans, dans la maison Bonhomme, appartiennent au milieu populaire.

Une classe intermédiaire est celle des artisans et petits employés, comme Pierre CARABIN, 64 ans, maître orfèvre et Dominique VOLANT, 46 ans, huissier au tribunal de 1ère instance (famille VOLANT LE THORT au Lamentin) déclarants du décès, le 28 avril, dans la maison des héritiers de feu Catherine GÉRIN (un colon et un signataire de l?Indépendance de ce nom) rue du Centre, de Louise Pétronille, veuve Saladin LAMOUR, 44 ans, native de Sainte-Suzanne, fille naturelle des feus Gautier et Geneviève. Ils sont accompagnés d?Étienne PONTHIEUX, 26 ans, employé au Bureau de la Secrétairerie du Gouvernement, qui sait signer, et est franc-maçon.

Le citoyen ANSELME, qui déclare le 29 avril, avec son épouse, le décès dans sa maison, rue Bonne Foi, de son fils Jean-Baptiste, est maître menuisier. Ses témoins sont CARABIN et ANDRÉ, âgé de 40 ans. Jean-Louis Ruddi BÉRANGÈRE, décédé à 43 ans, le 14 mai, sur l?habitation du commandant PANAYOTY (grec, grand amiral des forces navales) était bijoutier en ville. Les témoins sont Maurice BIENVENU, 51 ans, et EDOUARD, 25 ans, assesseur au Tribunal d?appel, qui a su signer.

Quelques étrangers s?assimilent à cette catégorie sociale souvent par mariage :

Pierre GOVELLINA, natif de la Nouvelle-Orléans, orfèvre en ville, fils légitime de sieur GOVELLINA et dame Félicité FORNERET, décédé à 26 ans, le 21 mai, dans la maison du général BERGERAC (déclaration des sieurs DOLLIO, 32 ans, BRÛLÉ, 22 ans, William JOHNSON, 32 ans).

Jean-Baptiste MASSEY, fils de Jean et Martine BOULINGÉ, décédé le 3 octobre 1817 (déclaration du 4 mai 1819) dans la maison du général Ulysse, rue du Centre (commandant l?État-Major du Président d?Haïti), à l?âge de 35 ans, était un simple "tailleur d?habits", natif de Bordeaux.

Christophe-Pierre BERNARD, 47 ans, décédé le 2 avril, était un pharmacien de Paris qui venait juste d?arriver dans la colonie.

Pierre BERGÉ, un boulanger de 34 ans, natif de Dax (Landes), décédé le 1er février sur le navire»La Renommées», capitaine Huignard, venait probablement s?installer lui aussi. On note également quelques femmes comme Marie BORY, native de l?île de Ré (Charente-Maritime), décédée le 22 novembre chez le citoyen NAU, trésorier général, rue du Réservoir, acte établi en présence de Jean-Baptiste GAUTIER, 21 ans, LOWINSKY HATEL, 21 ans (Polonais?) et Frédéric PLÉSANCE, 21 ans; ou encore Marie, 22 ans, native de Bordeaux, décédé le 2 avril dans la maison du citoyen JANVIER, rue Tiremasse pour laquelle l?absence de nom peut faire songer à une fille de gens de couleur amenés en France.

Parmi les noms connus de familles de couleur, on relève, également SAVARY, de Saint-Marc, décédé à 28 ans, le 7 avril, et LEMAIRE (Marie-Rose, fille naturelle décédée à 22 ans, le 20 mars), nom qui rappelle le véritable patronyme de la célèbre maîtresse de BAUDELAIRE, Jeanne DUVAL (dite encore PROSPER), d?une famille de Jacmel.

Enfin, dans sa simplicité, un acte émouvant, celui du décès, le 5 juin, dans la maison de la citoyenne Didine, rue des Fronts-Forts, de Joseph, 40 ans environ, coutelier natif de Pologne dont on ne connaît plus le nom et qui à coup sûr l?un de ces nombreux déserteurs de la légion polonaise de l?expédition LECLERC qui avait préféré s?allier aux Haïtiens et avaient acquis le droit de nationalité.

C?est un autre militaire, COCODI, 38 ans, tambour-major du 3ème régiment, qui déclare le décès de l?un des rares représentants que l?on trouve à Port-au-Prince, en ville, de ces soldats polonais qui avaient préféré se regrouper, après l?Indépendance dans des endroits reculés comme Cazales ou Saint-Jean-du- Sud.

Pour compléter le tableau, il ne faut pas oublier les nombreux marins de toutes les nationalités, américains, anglais, italiens, français, allemands (de Brême, surtout), finlandais même?décédés sur les navires en rade ou en ville. Relevons simplement quelques Français :

le 22 novembre, Mathurin TARDY, 29 ans, de Bordeaux, consignataire et capitaine de la goélette "Aimable Agathe", décédé chez le citoyen BROUARD (témoins Pierre CAROUGE, négociant, 24 ans, et Fleurant CARIÈS);

le même jour, Jean BONNEAU, de Rocfort (Roquefort dans les Landes), 22 ans, matelot du brick "Jeanne Mariette", capitaine Ducrosse;

le 13 décembre, Jean FAURE, de Bordeaux, 14 ans, mousse du navire "Iris", capitaine Guignard;

Jean DUMON, d?Eureau, département Libourne (Gironde), 25 ans, charpentier du même navire; François SAMBOLIE, 28 ans, matelot du même navire, déclaré par le second capitaine Réguier, décédé à l?hôpital du sieur Élie;

Le 19 janvier, Pierre TRIMOLINE, 43 ans, de Bordeaux, matelot du brick "l?Adelina", capitaine Binard, décédé chez Thérèse LABOULE, no 345 rue des Césars (témoins Élie ÉLIE, 47 ans, matelot et Jean MONCHIN, 30 ans, lieutenant;

Le 17 mai, Esprit Balthazar GILLY, 30 ans, de Marseille, écrivain à bord de la corvette la "Référée" de Marseille, capitaine Calry, fils de N?GILLY et dame BRANANT;

Le 17 octobre, John NATHAN, 18 ans, d?Irlande, matelot du brick le "Thetis", capitaine Rixford?

On voit la foule d?informations de tous ordres que peuvent apporter ces registres sur les périodes capitales de l?histoire d?Haïti que sont les dernières années de la colonie et surtout les premiers temps de l?Indépendance sur lesquels les sources de première main autres que livresques sont rares : renseignements d?ordre économique (mouvement des navires étrangers, composition de la classe des négociants), d?ordre social, surtout (origine des familles, alliances, constitution des groupes sociaux, nature et importance de l?élément étranger(, d?ordre purement historique parfois (épidémies, catastrophes naturelles, affrontements armés( et même dans le domaine de l?histoire des mentalités (ruptures et continuités dans l?ordre ancien, degré d?instruction) ou des institutions (le mariage, le transmission des patronymes), études généalogiques, etc.

Souhaitons que des équipes de chercheurs puissent un jour se livrer à une analyse systématique approfondie de cette importante source encore inexploitée.

NDLR. : Le texte de monsieur Jacques de Cauna a été reproduit intégralement dans sa forme originale, sans altération, sans modification soit de style, soit de l?orthographe.


Cour Mirabeau, Aix-en-Provence










LES ARCHIVES DE LA FRANCE D?OUTRE-MER A AIX-EN-PROVENCE


par Chantal Cosnay

Les archives d?Outre-Mer à Aix-en-Provence

Marseille, port ouvert sur la Méditerranée et les anciennes colonies françaises du XIXème siècle, (Afrique, Asie), a vu débarquer, en 1962, les archives de l?Algérie française. Cette contingence géographique a entraîné la construction d?un dépôt d?archives dans les Bouches - du -Rhône, à Aix en Provence. Ouvert au public dès 1966, le Centre des archives d?outre mer d?Aix (C.A.O.M.) a reçu en 1986 et en 1996 les fonds ministériels modernes puis anciens précédemment conservés à Paris. Les fonds s?organisent désormais de trois façons :

  • Microfilms provenant de l?état civil de Nantes.
  • Acquisition par achat
  • Dons d?archives privées.

Les Archives concernant l?outre mer reflètent l?histoire de plusieurs catégories de Français : militaires, missionnaires, planteurs, commerçants, aventuriers, administrateurs, fonctionnaires, ingénieurs, proscrits, bagnards, ? et à travers eux, évoquent, selon les pays et les époques : conquêtes, enrichissements, conflits, révoltes, changements politiques, coutumes, cataclysmes épidémies et, finalement, les rapatriements, des hommes et des documents, en ordre ou en désordre.

On conçoit dès lors la diversité de telles archives ? et la complexité de la recherche. Rien n?y est homogène. Chaque territoire est un cas particulier, ayant une organisation, une histoire, une géographie, uniques en leur genre. Les administrations ayant géré ces Français lointains sont aussi diverses qu?indépendantes. Selon les époques et les territoires, cinq ministères s?en sont occupés : Marine, Colonies, Affaires étrangères, Intérieur, Défense. Si la majeure partie des archives de la France d?outre-mer est aujourd?hui réunie au centre créé à Aix-en-Provence par les Archives nationales, un nombre assez important de documents se trouve dans d?autres dépôts : cette circonstance ajoute encore à la difficulté. Sauf indication contraire, c?est à Aix que sont conservés les fonds dont il est parlé ici.

Les Archives disponibles à Aix furent, soit constituées sur place, puis transférées en métropole, soit rédigées en France même, par les ministères responsables. Ont été transférées d?outre mer en partie les archives de l?Algérie, celles de l?Afrique noire, de Saint-Domingue (aujourd?hui Haïti), de Madagascar, de l?Indochine, des comptoirs de l?Inde, rapatriées lors de l?indépendance, et celles de la Guyane et de Saint-Barthélemy, pour des raisons climatiques. Pour la période 1815-1920, les papiers administratifs des ministères ont été classés par territoires dans le fonds dit ??Séries géographiques??. A ces sources s?ajoute le fonds de première importance qu?est le Dépôt des papiers publics des colonies (D.P.P.C.). Crée par un édit de juin 1776, celui-ci reçut à Versailles, puis à Paris, les copies des documents établis sur place. L?édit étant rétroactif, ce fonds comprend souvent des copies de documents antérieurs à 1776.

Les inventaires publiés par les Archives de France servent de fil d?Ariane. Nous suivons ici l?ordre de l?intérêt pour les généalogistes : état civil, recensements, notaires, greffes et hypothèques, dossiers de personnel, concessions, demandes de passages, affaires militaires, affaires pénitentiaires et quelques autres fonds divers.

Géographie sommaire de la France d?outre-mer

Il est bon, tout d?abord, de remettre en mémoire, ce qu?était la France d?outre-mer. Les territoires qui, à un moment ou à un autre, d?une façon ou d?une autre , furent régis par l?administration française forment un ensemble disparate. On y trouve pêle-mêle

-en Amérique centrale et du Sud : Martinique (1635), Guadeloupe (1635) et dépendances, notamment Saint-Barthélemy (1648-1784, puis 1878), Guyane française (1643), Haïti (1697-1804);

-en Amérique du Nord : l?ensemble de Terre-Neuve (1534-1713), dont Saint-Pierre-et-Miquelon (1604-1713, puis 1763), Canada et pays du Saint-Laurent (1535-1763), Acadie (1605-1713), Louisiane (1682-1763, puis 1796-1803);

-en Afrique du Nord : Algérie (1830-1962), Tunisie (1881-1955), Maroc (1912-1956);

-en Afrique noire : Afrique occidentale française dite A .O.F. (1895-1958) dont le Sénégal (1659-1763, 1783-1807 et 1815-1958), l?Afrique équatoriale française dite A.E.F. (1910-1958), partie du Cameroun (1919-1961) et du Togo (1919-1960);

-dans l?océan indien : Madagascar (1643-1674, puis 1883-1972), Réunion (1649), Ile de France, aujourd?hui Maurice (1715-1810), Seychelles (1742-1744, puis 1756-1814), Djibouti (1884-1977), Comores (1886-1975), dont Mayotte (1841);

-dans le Pacifique : îles Marquises (1842), Tahiti (1843), Nouvelle-Calédonie (1853), Wallis-Fortuna (1886), Nouvelles-Hébrides (1887-1980);

-en Asie : Inde française (1667-1763) dont les cinq comptoirs de Pondichéry (1674-1956), Karikal (1739-1954), Mahé (1721-1956), Yanaon (1750-1763, puis 1817-1954), Chandernagor (1686-1954), Indochine (1858-1954), Syrie (1920-1946);

-au Proche-Orient : Liban (1920-1943).

Les dates données entre parenthèses correspondent au début et à la fin de l?administration française. Lorsqu?une seule date est indiquée, le territoire appartient toujours à la France.

Éléments de chronologie

Un rappel de quelques dates de l?histoire coloniale est également nécessaire pour une bonne utilisation des archives.

1534 Jacques Cartier part de Saint-Malo et découvre le Canada;

1572 La Saint-Barthélemy : émigration des protestants;

1608 Samuel de Champlain fonde la ville de Québec

1629 Richelieu obtient la charge de surintendant général de la navigation et du commerce de France; occupation de Saint-Christophe (Saint-Kitts);

1639 Date de début du registre paroissial le plus ancien (Guadeloupe)

1664 Colbert crée la Compagnie des Indes orientales; premiers recensements aux colonies (Guadeloupe et Martinique);

1685 Révocation de l?Édit de Nantes : nouvelle émigration des protestants; promulgation du Code Noir pour les esclaves aux colonies;

1688 Début de la guerre avec l?Angleterre;

1713 Traités d?Utrecht : perte de la Baie d?Hudson, de l?Acadie, de Terre-Neuve et de Saint-Christophe;

1756 Départ des Acadiens : le «grand dérangement»;

1763 Traité de Paris : perte du Canada, de la Louisiane, de plusieurs îles des Antilles, des comptoirs du Sénégal et des Indes, sauf les comptoirs;

1776 Création du Dépôt des papiers publics des colonies (D.P.C.C.);

1783 Traité de Versailles (droit de pêche à Terre-Neuve et restitution des comptoirs du Sénégal);

1784 Saint-Barthélemy devient suédoise;

1791 Insurrection générale des esclaves à Saint-Domingue

1792 Les Anglais occupent les Antilles (jusqu?en 1804)

1793 Sonthonax proclame l?abolition de l?esclavage à Saint-Domingue;

1794 Toussaint Louverture se rallie à la France mais mène une politique sécessionniste;

1794 Première abolition de l?esclavage;

1802 Expédition française à Saint-Domingue sous le commandement du capitaine-général Leclerc, beau-frère du Consul Napoléon Bonaparte;

1802 Rétablissement de l?esclavage;

1802 Déportation de Toussaint Louverture. Enfermé au fort de Joux,. Il y décède le 7 avril 1803;

1802-1803, Guerre d?Indépendance dirigée par le général en chef Jean-Jacques Dessalines contre les troupes françaises sous les ordres de Rochambeau (Donatien, Marie, Joseph de Vimur comte de);

1804 1er janvier, Proclamation de l?Indépendance d?Hayti par le général Dessalines

1811 Perte de toutes les colonies;

1815 Traité de Paris qui restitue à la France la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion, le Sénégal et la Guyane;

1827 Début du versement des «indemnités» aux anciens planteurs de Saint-Domingue (jusqu?en 1833);

1830 Commencement de la conquête militaire de l?Algérie; la révolution industrielle, grâce, entre autres, à la machine à vapeur et à l?acier, développe les chemins de fer, transforme les conditions de navigation et ouvre la voie à la seconde colonisation française;

1832 Ordonnance concernant l?enregistrement des esclaves;

1848 Révolution en France, suivie des «convois» vers l?Algérie; abolition de l?esclavage par le décret Schoelcher;

1851 Coup d?État, suivi de déportations en Guyane et Nouvelle-Calédonie;

1870 Emigration des Alsaciens-Lorrains vers l?Algérie; les Israélites d?Algérie reçoivent la nationalité française par le décret Crémieux;

1878 Saint-Barthélemy redevient française;

1880 Jules Ferry développe l?expansion coloniale;

1914 Première Guerre mondiale, suivi d?un »partage» des anciennes colonies allemandes;

1922 Exposition coloniale à Marseille;

1931 Exposition coloniale internationale à Paris;

1939 Seconde guerre mondiale, point de départ du mouvement de décolonisation;

1956 Repatriement des Archives départementales de la Guyane à Paris;

1962 Repatriement des Archives de l?Algérie à Aix-en-Provence;

1973 Repatriement des Archives de Saint-Barthélemy à Paris;

1987 Déménagement des Archives d?outre-mer de Paris à Aix-en-Provence.

État civil et sources complémentaires

Les plus anciens registres paroissiaux, ceux des colonies de l?Ancien Régime, remontent au XVIIe siècle. Le principal fonds disponible à Aix-en-Provence est le dépôt des papiers publics des colonies(D.P.P.C.). Les actes de naissance, mariage et décès, concernent les Français, les mulâtres et les hommes de couleur libres (anciens esclaves affranchis). L?immense mouvement de population, dû à la traite négrière, n?a guère laissé de traces dans l?état civil, si ce n?est quelques rares registres d?esclaves (Réunion, et Ile de France, XVIIIème siècle), des actes d?affranchissement, d?adoption, de reconnaissance (1793 1848) et quelques actes de rachats (Guyane XIXe siècle). Avant 1848 (abolition de l?esclavage), l?état civil des mulâtres et des hommes de couleur libres, quand il existe, est souvent assez fantaisiste et peut varier au cours de la vie d?un homme  : la déclaration officielle d?une naissance n?est pas obligatoire ; cette dernière peut être déclarée beaucoup plus tard voir même 10 ans après ; les changements de prénom ou de nom sont courants au cours d?une vie. Parallèlement aux registres des actes, on dispose de tables semi-alphabétiques, de périodicités variables. Attention : l?inscription d?un acte dans la table, peut se trouver à la lettre du prénom de l?intéressé, ou à celui de la mère ou du père, ou encore du conjoint !

L?essentiel de l?état civil des Européens en Algérie est demeuré sur place. Environ 70% a été microfilmé, vers 1963, par le gouvernement français, dans des conditions de fortune. En principe, à Aix, sont conservés les microfilms de l?état civil antérieur à 1898. Les versements se font progressivement de Nantes vers Aix et il faudra encore quelques temps pour que ce principe s?accorde avec la réalité (plus de 100 ans à Aix, moins de 100 ans à Nantes).

De plus, le dépôt d?Aix en Provence possède les tables décennales du département d?Alger, de 1832 à 1882, les tables des communes de Bône, Blida, Oran, Philippeville, Sétif, les registres de décès de 1847 et 1849, ainsi que quelques registres du 19ème siècle pour Alger, Guelma, Kouba, Dely-Ibrahim et Bône (séries 1AA et 2AA) et les Archives communales de Aïn Temouchent (complètes). Exceptionnellement, l?état civil peut être complété, pour Bougie et Aïn Temouchent, par le registre des concessions funéraires, (Bougie : 1879-1962, 38 Eveom, et Archives communales de Aïn Témouchent : 1879-1952).

D?autres éléments d?état civil épars sont conservés dans divers fonds d?Aix en Provence. En voici l?énumération, avec indication de la page du tome III de l?État général des fonds des Archives nationales : Guyane depuis 1677 (p.401), Gorée, Sénégal, 1839-1928 (p.594), Afrique occidentale française, 1747-1920 (p.601), Madagascar, 1835-1894 (p.638) et Français décédés à Madagascar, 1900-1930 (p. 657) ; Saint Barthélemy, 1756-1878 (p.687) ; Chandernagor, 1814-1818 (p.660) ; Indochine, décès d?Européens, 1908-1913 (p.670).

Des registres d?hôpitaux contiennent principalement des décès, et parfois des états nominatifs de journées. Ils font partie du D.P.P.C. et remontent au XVIIIème siècle. Pour le Canada, une table existe de 1748 à 1760. Pour Saint-Domingue, les registres d?hôpitaux de 1767-1788, sont rangés avec l?état civil. 21 dossiers renseignent sur les naissances en mer de 1816 à 1872, et 66 sur les décès en mer de 1802 à 1871.

Enfin, pour la période 1815-1920, la consultation des Séries géographiques, bien que plus aléatoire, peut s?avérer intéressante (tutelle, naturalisations, ?). Quelques documents d?état civil y sont conservés, par exemple : Gabon, 1859-1910 ; Guadeloupe, rachats d?esclaves, 1845-1848, et listes des malades de Basse Terre, 1845-1900 (lacunes) ; Martinique, décès dans les hôpitaux en 1884, et état nominatif des Noirs du Domaine, 1824, 1826 et 1829 ; Guyane, listes d?esclaves, 1817 1848, et dotation de nom aux affranchis 1852-1869.

Pour Saint-Domingue, outre l?état civil, les registres provenant des consulats de France aux États-Unis, contiennent des actes de mariage, naissance et décès, passés par les habitants de Saint-Domingue fuyant la révolte des esclaves (1803-1814), et par des Français de passage (1730-1826). Ces registres sont conservés dans le fonds intitulé »Complément au greffe de Saint-Domingue», dont il est question plus loin.

Les recensements.

Les recensements, lorsqu?ils sont nominatifs, permettent de combler les lacunes des registres paroissiaux les plus anciens. Les informations et les dates différent selon pays et époques. Pour l?Afrique, les recensements nominatifs n?existent que pour le seul département d?Oran, en 1906 et 1911 (sauf la ville d'Oran elle-même). Pour les autres colonies, ils indiquent la composition de la famille, les ressources économiques : culture, bétail, nombre des hommes armés ou en âge de porter armes (plus de 12 ans), nombre des armes, nombre des barques (pour les »graves», sorte de ports naturels au Canada). Aux XVIIeme et XVIIIeme siècles, des recensements nominatifs existent surtout pour les Antilles et l?Amérique du Nord, et, à partir de la seconde moitié du XVIIIe, pour la Réunion, l?île de France, l?Inde et la Louisiane. Plus tard, ils apparaissent à Gorée, Sénégal (1767, 1829-1924), Saint- Barthélemy (1787-1872, rédigé en suédois), et Madagascar (1865-1891).

Le fonds des recensements contient également des listes de familles réfugiées : Canada (1762-1772), Acadie (1765-1789), Falkland (Iles Malouines, 1776), Guyane (1765-an XIII), Martinique (1727), Saint-Domingue (1792-1818). Quelques recensements devraient se trouver dans la Série Géographique mais sont manquants à l?appel. On trouve encore dans cette même série, des indications sur les victimes des calamités naturelles. Pour la Martinique, les dossiers nominatifs des sinistrés de l?éruption de la Montagne Pelée du 8 mai 1902, sont conservés dans la série C8c(sinistrés et secours aux familles survivantes).

Toujours en complément de l?état civil, des listes électorales existent pour le seul département d?Oran, de 1851 à 1950. Elles donnent nom, prénom, lieu et date de naissance ainsi que la profession : elles permettent de compléter les nombreuses lacunes de l?état civil de cet ancien département. Voir également les listes électorales des archives communales de Aïn Temouchent.

Actes notariés, greffes et enregistrement

Les plus anciens actes notariés étaient rédigés par des greffiers au Canada et en Acadie (1687), puis par des notaires : Réunion (à partir de 1724), Guadeloupe (1777), Martinique (1777) et Guyane (1777). L?essentiel se trouve conservé dans le Dépôt des papiers publics des colonies. L?édit de 1776, déjà cité, prévoyait qu?un double des actes devait être envoyé à Versailles. La seconde minutes étant établie aux frais des parties, tous n?y ont pas été expédiés. Le versement au Dépôt des papiers publics des colonies s?arrête en 1912. Certains fonds de notaires, minutes et répertoires chronologiques, ont été rapatriés (Saint Pierre et Miquelon, Saint-Domingue, Indochine, Afrique noire). On trouve également à Aix, le notariat des Indes Françaises, pour les comptoirs de Pondichéry, Chandernagor, Mahé, Madras et Tranquebar (XVIIIême siècle) et celui de Saint Barthélemy, en français pour la période 1783-1855. Le notariat de l?Afrique du Nord est resté sur place.

Le cas de Saint-Domingue est particulier. Après la Révolution conduite par Toussaint Louverture, les planteurs français durent évacuer la partie de l?île de Saint-Domingue appelée aujourd?hui Haïti. Charles X ayant décrété le ?milliard des émigrés?, de 1827 à 1833, les anciens propriétaires de l?île réclamèrent des indemnités au gouvernement français. Afin de prouver leurs droits, il fallut estimer propriétés et plantations à partir des archives notariales rapatriées. Un ingénieux système de bloc fiches et de répertoires fut alors mis au point. Le fonds des notaires de Saint-Domingue, conservé à Aix, comprend en définitive quatre parties : bloc fiches, répertoires en registre, minutes elles-mêmes, et, comme pour les autres colonies, des répertoires chronologiques en liasses et cartons. Il est ainsi possible de retrouver, à partir d?un nom de famille, l?ensemble des actes notariés qu?elle a passé avant 1802.

Les greffiers des diverses juridictions retenaient une expédition des jugements définitifs. Particulièrement intéressants sont les jugements en curatelle qui entraînaient des actes tels qu?inventaires après décès, partages, avec indication de titres de propriétés ou dossiers de procès. Ces fonds sont conservés dans le Dépôt des papiers publics des colonies. Le fonds du greffe de Saint-Domingue comprend, d?une part, le fonds du greffe (XVIIIème siècle) et de l?autre, le ?supplément au greffe de Saint-Domingue? (début XIXème siècle) avec les sous séries suivantes : abornements, domaines, domaines 2, recensement des biens, indemnités et état civil consulaire aux États-Unis. Le fonds de Guyane, déposé en métropole en 1956, contient des comptes de curatelle de 1828 à 1841.

Les hypothèques permettent de retrouver les propriétaires et les dates de leur installation. Les inscriptions de créances hypothécaires, les mutations et les radiations d?inscriptions, existent pour la Martinique (1806), la Réunion (1807), la Guadeloupe (1816), la Guyane (1821), Saint Pierre et Miquelon (1837), Pondichéry (1841), le Sénégal (1845), Mayotte (1864). Les dates données ici sont celles du document le plus ancien. Pour l?Indochine, des registres de transcription des hypothèques établies à Saigon indiquent la fortune des habitants de la Cochinchine vers 1862-1901 (microfilms).

Les dossiers individuels.

On dispose, pour la France d?outre-mer, de différentes collections de dossiers individuels contenant pièces d?état civil, états de services et correspondances.

Les trois séries principales sont : la série E (XVIIIème siècle), EE (XIXème) et EE2 (après 1870) ; toutes trois conservées à Aix. En général, il s?agit de fonctionnaires de l?administration coloniale, longtemps constitués pour l?essentiel de militaires, souvent des marins. Dans la série E, figurent parfois des colons, négociants ou armateurs du XVIIIème siècle.

D?autres fonds concernent certains territoires. Pour l?Algérie, par exemple, les dossiers de fonctionnaires sont conservés dans les sous-séries F80, 18 et 19H, 1G, 52L, dans la série GGA, sous série 2P (personnel forestier), 3T (personnel judiciaire) et, pour chacun des trois départements d?Alger, Oran et Constantine, dans les sous-séries C. Seulement 10 % des dossiers de l?Indochine ont été rapatriés et pour cette ancienne colonies, on consultera le fichier Boudet et le fichier alphabétique consacré à l?Indochine.

Pour Madagascar, les dossiers individuels du XIXème sont dans la série 2C. La série ?personnel? de l?Afrique occidentale française est conservée au Sénégal. Il existe également à Aix, des dossiers de personnel militaire : 1779-1920. Il est toujours intéressant d?interroger les Archives nationales de Dakar : elles possèdent un fichier alphabétique renvoyant à des dossiers, dont certains sont conservés à Aix sous forme de microfilms. A défaut de collections de dossiers, on dispose de fichiers, pour quelques territoires.

Les dossiers du personnel des bagnes et des bagnards envoyés en Guyane et Nouvelle Calédonie, de 1796 à 1913, sont conservés dans la série H. Pour les seconds, il s?agit de condamnés de droit commun, des condamnés du Directoire, des opposants au coup d?État de 1851, des déportés de la Commune et de condamnés politiques. Pour l?Algérie, les dossiers des bagnards de Lambessa sont classés dans la série 10 G du fonds du Gouvernement général.

Également intéressantes, les fiches biographiques des administrateurs issus de l?École coloniale (série 39 APOM, fin XIXème), auquel on peut ajouter les registres matricules et les dossiers des élèves . Enfin, les Séries géographiques contiennent pour le XIXème siècle, quelques dossiers de personnel et de décorations.

Fonds divers.

Des concessions de terres (ou grèves marines aux pêcheurs du Canada) furent accordées aux colons. Des listes en sont conservées d?une part, dans le fonds du D.P.P.C. , avec les recensements du XVIIème siècle (Canada, Acadie, Louisiane, Martinique, Ile de France) et, de l?autre, dans les Séries géographiques. Pour Saint-Domingue, on trouve des titres de concessions du XVIIIème siècle, dans le ?supplément au greffe? et les ?indemnités?.Pour la Réunion, des dossiers (1722-1727, 1731) sont conservés sous forme de microfilm (1 mi D 11).

L?Algérie est à cet égard un cas particulier, en raison du nombre important de concessions et de la date récente. Les dossiers permettent, entre autres choses, de retrouver les liens de parenté entre les colons et leurs parents restées en France, ainsi que leur origine géographique. Des demandes de concessions, ayant abouti ou non, sont classées dans les séries 51 L et F80. Il faut y ajouter les dossiers conservés par département et classées de la façon suivante :

Départements

Demandes de lot Titres de propriété Dossier de village

Alger

3 M (1842-1930)

2 M (1832-1930)

4 M (1832-1936)

Oran

3 M et MM

3 M (1848-1941)

2 M (1848-1941)

Constantine

1 M 

2 M (après 1846)

 

Les Français qui partaient pour les colonies ou en revenaient, étaient parfois inscrits sur des listes de passagers. On en trouve dans les Séries géographiques du XIXème siècle, classées par pays. Pour l?Algérie, les convois de colons (1848-1852), sont conservés dans la série Fu 80. Des listes de passagers entre les ports de la métropole et les colonies sont également conservées dans la série Fu 5b, sauf les passagers militaires, inscrits, eux, dans les archives des troupes et personnel civil (1765-1843, D²B et D²C).

Pour les conscrits originaires des colonies, les registres matricules militaires du XIXème siècle sont à Aix. Ceux d?Oran (et du Maroc) débutent en 1858, ceux d?Alger en 1864, et ceux de Constantine et, partiellement, de Tunisie, en 1867.

Un important fonds de dossiers des successions vacantes du XVIIIème siècle existe pour toutes les colonies, classé par pays. On en trouve également pour le XIXème siècle dans les Séries géographiques (Martinique, Guyane, Indochine), dans les fonds de l?Afrique occidentale française (Gorée, successions, 1797-1920), dans celui des Indes, pendant les périodes 1733-1814 et 1832-1835, et pour Saint Barthélemy de 1787 à 1877.

Les archives privées (AP) conservent également des informations généalogiques, le plus souvent sur des familles notables. Par exemple, pour la Martinique, le fonds Hulot de Collard (5 APC) ou le fonds Gazin (71 APOM).

Diverses autres sources méritent encore l?attention. Pour l?Algérie, la série F 80, papiers provenant de tous les ministères ayant eu à gérer l?Algérie, contient, entre autres, des documents intitulés : ?recherches dans l?intérêt des familles?. Pour le seul département d?Oran, existent des listes nominatives de milices de 1835 à 1871 (série Q). On rencontre par ailleurs, quelques demandes de naturalisation : Saint Barthélemy (1796-1875), Algérie au XIXème siècle (beaucoup d?Israélites dans le F80 ? 2043), et dans les Séries géographiques pour l?Indochine et l?Océanie, ainsi que dans le fonds rapatrié de Madagascar.

Existent encore des collections de photographies du début du XXème siècle, présentant un réel intérêt pour les monographies familiales. Signalons à cet égard une acquisition récente doublée d?une donation, le fonds de photographies de la famille. Escalier des ordres établi à Madagascar durant quatre générations. Enfin, les annuaires peuvent signaler la présence d?une famille dans un lieu et à une époque donnée.

Hors d'Aix-en-Provence

Les colons et les fonctionnaires coloniaux, on l?a noté, étaient à l?origine des marins et des militaires. Pour ceux-ci, il y aura donc intérêt à consulter les Archives militaires, quelle que soit leur localisation et celles des Affaires étrangères, notamment en ce qui concerne l?état civil.

Du côté des Archives nationales de Paris, il faut signaler quelques sources en plus de la série E évoquée plus haut : troupes et personnel civil (1765-1843, D2B et D2C); listes nominatives de passagers (F5B); prises et prisonniers de guerre XIXème siècle, FF2); comité des colonies (colons en prisons, série D XXV); secours aux colons, de Malte (F7), de Saint-Domingue (F12, F15, et DXXV), du Canada et de Saint-Pierre-et-Miquelon (F12), aux Acadiens (F15); naturalisations et options des Alsaciens-Lorrains en 1871-1878 (Bulletins des lois et sous-séries BB); correspondances série colonies B et C (avec index); Affaires étrangères : correspondance consulaire (AE BIII); archives personnelles et familiales (1 à 405 AP); papiers d?érudits (série AB XIX, Martinique, AB XIX 3510); archives Moreau de Saint Mery (série F 3), des microfilms d?état civil pour un nombre assez important de territoires (série 5Mi). Rue Oudinot, à Paris, où était une partie importante des archives d?outre-mer transférées à Aix-en-Provence en 1986, se trouve le troisième exemplaire de l?état civil de moins de cent ans des Dom-Tom, non encore communicable.

La Bibliothèque nationale conserve, au département des manuscrits, huit volumes de Recueils de notes généalogiques, réunies par Gaston Sarré, notaire à Port-Louis, sur les familles d?origine européenne établies à l?île Maurice aux XVIIIème et XIXème siècles. (Nouvelles acquisitions françaises, 24726-24733). Du côté des bibliothèques également, celles d?Aix-en-Provence, communales et universitaires, conservent des fonds intéressant les familles d?outre-mer.

Les Archives départementales ne doivent pas être négligées dans une recherche sur l?outre-mer. Les colons étaient enregistrés, soit au départ, sur des listes de bateaux (exemple à Marseille, dans la série M : départ de colons pour l?Algérie, listes de passagers dans les dossiers de compagnies maritimes), soit à l?arrivée, par exemple, les réfugiés de Saint-Domingue, à rechercher dans les archives départementales de Bordeaux, Nantes et Rennes (Saint-Malo), c?est-à-dire dans les grands ports négriers et du commerce triangulaire. Les réfugiés de l?Acadie faisaient surtout escale à Rochefort et à Saint-Malo. À la suite de circonstances diverses, quelques registres paroissiaux d?outre-mer sont conservés dans des dépôts communaux de France, tels trois registres d?état civil de l?île Saint-Jean (Acadie), couvrant les périodes 1724-1745, 1752-1758, à Saint-Malo.

N?oublions pas les Archives des départements et territoires d?outre-mer qui possèdent de nombreux éléments, soit en originaux, soit sous forme de microfilms.

Aux Archives départementales de la Guyane, peut être consulté l?état civil des hommes libres, des origines à 1870 (microfilms), mais seulement partiel pour les esclaves, les registres originaux de 1856 à 1890 (quelques uns antérieurs à 1856), et les tables décennales de 1775 à 1890, les répertoires des hypothèques de 1830 à 1890. Le Bulletin officiel de la Guyane, qui paraît depuis 1819, peut apporter des précisions intéressantes sur le personnel.

Le plus ancien registre d?état civil des Archives départementales de la Martinique commence en 1671 (Anse d?Arlet) et les registres d?individualité en 1848 (état civil donné aux anciens esclaves). Par ailleurs, on y trouve des registres de notaires du XVIIIème , les archives du Conseil Supérieur (cour de justice), citant les conseillers et le personnel des XVIIIème XIXème siècles. Mentionnons également quelques dossiers de décorations, de personnel (XIXème siècle), les répertoires des hypothèques (1830-1895) et les secours aux sinistrés de l?éruption de la Montagne Pelée en 1902.

Aux Archives départementales de la Guadeloupe, le plus ancien registre d?état civil débute en 1715 et les minutes notariales, en 1759, les registres hypothécaires commencent en 1811 pour Basse-Terre et en 1830 pour Pointe-à- Pitre, Marie Galante et Saint Martin. Une bibliothèque sur l?histoire de la Guadeloupe peut y être consultée.

La richesse des Archives départementales de la Réunion ne permet pas d?indiquer ici tout ce qui intéresse les généalogistes. Outre l?état civil, dont le plus ancien registre date de 1667, citons : les recensements et leurs feuilles de famille et de ménage (1708-1848); les listes électorales (depuis 1832); l?état civil des Européens décédés dans l?île 1853-1901; les registres matricules des immigrants indiens, africains, chinois, au XIXème siècle; les registres d?attribution patronymique aux esclaves libérés en 1848; concessions, hypothèques, domaines de 1817 à 1923, inscription maritime, rôles d?équipages, liste de passagers du XIXème siècle; double-minute des notaires de l?Île Maurice de 1810 à 1900. Un dépouillement systématique des registres paroissiaux et de d?état civil de la Réunion a été réalisé par Camille Ricquebourg.

En même temps que l?état civil, les Archives territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon possèdent des listes de passagers (1817-1937), des dossiers de curatelles de successions vacantes (1842-1928) ainsi que des photographies du début du siècle.

Certaines sources, enfin, se trouvent à l?étranger : soit anciennes colonies ayant acquis leur indépendance, soit pays ayant eux-mêmes colonisé des territoires occupés un moment par les Français. Dans la première catégorie, on a signalé déjà l?Algérie, le Sénégal (dossiers de personnel). C?est le cas également de l?Indochine. Souvent, des microfilms permettent d?exploiter ces archives. Parmi les pays ayant possédé temporairement certaines de nos colonies, figure l?Angleterre : archives concernant les Indes et la Dominique, notamment des registres paroissiaux français du XVIIIème siècle; le Danemark : archives relatives à Tranquebar et aux Indes; la Suède. Les inventaires des pays concernés permettront de connaître les documents conservés dans leurs dépôts d?archives.

Conclusion.

Telles sont la richesse et la complexité des Archives d?outre-mer, permettant largement de dépasser l?état civil, de le compléter en cas de lacunes, et de réaliser de véritables monographies familiales.

Aussi grandes que soient les difficultés d?exploitation, reconnaissons cette chance extraordinaire de posséder aujourd?hui, des sources aussi variées et abondantes, en dépit des vents contraires : hasard de guerres et fortunes de mer, distances à franchir et traversées périlleuses, chaleurs et moiteurs du climat, éruptions, tornades tropicales et rapatriements en catastrophe.


NDLR. : La communication ci-dessus est la version toute récente de l?article initial qui avait paru aux Éditions Larousse, en 1991, dans l?ouvrage «La généalogie, Histoire et Pratique», Larousse collection Référence, publié sous la direction du grand érudit Joseph Valynseele. Avec la permission de Madame Cosnay, généalogiste professionnelle, nous avons ajouté à la section «Élément de chronologie» des dates significatives à l?historiographie de Saint-Domingue-Haïti/France.

Nous tenons aussi à préciser qu?il n?existe aucun lien contractuel entre l?Association de Généalogie d?Haïti/Genèse et Madame Cosnay. Si d?aventure, vous désirez lui soumettre votre «cas» généalogique, il vous est loisible de communiquer avec elle à l?adresse électronique suivante: famylle@wanadoo.fr

RÉFÉRENCES

1. Nous tenons à remercier Wilfrid Bertrand, directeur des Archives Nationales d?Haïti et Jason, responsable de la Section historique pour l?obligeance avec laquelle ils nous ont facilité la consultation des registres. L?admirable travail en cours actuellement aux Archives laisse espérer des possibilités prochaines fort intéressantes pour les chercheurs.

2. Voir J Cauna. » Le Combat de Soissons?» in Revue de la Sté haïtienne d?histoire, no 132, sept. 1981.

3. Moreau de Saint-Méry, Description?.de Saint-Domingue, 111, page 1484.

4. Sur les LESPINASSE. Voir G. Debien, »Un prêtre manceau de l?aventure?», in La Province du Maine, 1971.

G. Debien et P. Wright, » Les colons de Saint-Domingue passés à la Jamaïque», in Société d?Histoire de la Guadeloupe, no 26, 4ème tr. 1975.

J. Fouchard, Les Marrons de la liberté, Ed. Deschamps, 1987, p. 243

L. Élie, Histoire d?Haïti, II, 43

T. Madiou, Histoire d?Haïti, 1, 115, 333

B. Ardouin, Études sur l?histoire d?Haïti, I, 46-47.

Il existait aussi un chirurgien de ce nom à Saint-Domingue au XVIIIème siècle (communication aimable de M. Jean Fouchard).

5. État de l?indemnité de St-Domingue (1832-1833)

6. Voir J. Cauna, Le Combat de Soissons, op. cit.

7. Sur les FLEURIAU et LEREMBOURE voir : J. Cauna, Au temps des isles à sucre, Ed.Karthala, 1987 et » Michel-Joseph Leremboure, un Basque premier maire de Port-au-Prince», in Revue Société haïtienne d?histoire, no 129, décembre 1980.

8. P. de Vaissières, » Saint-Domingue, La société et la vie créole sous l?Ancien Régime», p.25.

9. Almanach de la République d?Haïti, 1818.

10. Notariat de Saint-Domingue (Archives Nationales, Section Outre-Mer), Registre 118; Me Bernanosse.

11. Almanach de la République d?Haïti, 1818.

12. Famille représentée aujourd?hui par Mme Jeanne Barbancourt-Linge à Boutilliers (Pétionville).

13. État de l?Indemnité, 1828.

14. Archives Nationales, Section Outre-Mer, G2.

15. Famille représentée aujourd?hui par Anna Baron, propriétaire de l?habitation Lamardelle, plaine du Cul-de-Sac (communication aimable de M.J. Fouchard).

16. Un Savary, homme de couleur, vétéran de la Légion de Saint-Domingue et de la bataille de jeux de foot Savannah fut maire de Saint-Marc qu?il livra aux Anglais à l?époque révolutionnaire (voir J. Cauna. "< FONT FACE="Arial" SIZE=3>La Contre-Révolution à Saint-Domingue", in Actes du Colloque ASECS, Nouvelle-Orléans, 1989). Voir sa signature dans J. Fouchard :»Les Marrons du Syllabaire».

17. Cahiers du Centre de généalogie et d?histoire des Isles d?Amérique, no 12, 1985, p.25, colonel Étienne Arnaud.

18. Sur les FLEURIAU, voir J. Cauna, "Au temps des îles à sucre", l?histoire d?une habitation de Saint-Domingue (l?habitation Fleuriau au Cul-de-Sac), Ed. Karthala, 1987.

19. Famille représentée aujourd?hui par Me. Wesner Lahens (communication aimable de M. J.Fouchard).

20. Voir J. Cauna » à l?origine des noms de lieux, sur le plateau du Rochelois», in Conjonction no. 172, 1er trimestre, 1987, pp.54-91.

21. Famille alliée plus tard aux Boyer et au DUPUY entre autres (ces derniers représentés aujourd?hui à Pétionville et au Cap. Voir fonds Dupuy chez les Frères de l?Instruction chrétienne.

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22. Il existe encore aujourd?hui une propriété dite Cap d?Estrées, au Petit-Goave, appartenant à la famille Kenn de Balinthazy (communication de M. Jean Fouchard).

23. Almanach de la République d?Haïti, 1826. Famille alliée plus tard notamment aux MADIOU (descendance dans les familles DESCHAMPS et FRISCH). Voir P.Frisch, "Pascal Élie, colon de Saint-Domingue et vainqueur de la Bastille", in Actes du Congrès mondial Images de la Révolution, Paris, 1989 (à paraître).

24. Famille représentée aujourd?hui à Jérémie (communication de M. Jean Fouchard).

25. Voir Jean Fouchard : «Le théâtre à Saint-Domingue».