Débats entre les accusateurs et les accusés dans l'affaire des colonies
En exécution de la loi du 4 pluviose, an III (23 janvier 1795)

Hugues Briand

Note: Ces débats se déroulent à Paris et ont pour but d?entendre les représentants des colons qui sont les accusateurs et les accusés qui sont les commissaires civils Sonthonax et Polverel. Ils s?accusent mutuellement, entre autres, d?avoir manipulé les mulâtres lors de différents massacres de blancs, d?avoir voulu que Saint-Domingue passe aux mains des anglais, etc... Lorsque le texte ne présente pas un intérêt particulier, il a été remplacé par [ ]

La commission d?enquête est composée des membres suivants :

  • Jean-Philippe Garran de Coulon, président
  • Lecointe (représentant des Deux-Sèvres), secrétaire
  • Allassoeur
  • Fouché (de Nantes)
  • Peyre
  • Palasne
  • Champeaux
  • Grégoire
  • Mazade
  • Castillon
  •  

Ces débats s?étalent sur une longue période et d?autres personnes, selon les jours, peuvent y participer.

Extraits du Volume 1 (référence CARAN : ad/XVIIIc/340)

Note : la première séance se tient le 11 pluviôse an III (30 janvier 1795) Le début des débats est reproduit ci-dessous.

Le président : la commission demande quels seront parmi vous, les accusateurs et les accusés [?]

Page : Je parle au nom des colons qui m?ont chargé de pouvoirs, et m?ont ordonné de poursuivre Polverel et Sonthonax comme dévastateurs de la partie française de Saint-Domingue [?]. Sur notre demande la Convention nationale a décrété d?accusation Polverel et Sonthonax [?].

Sonthonax : Les citoyens qui se disent les représentants des colons sont à peu près au nombre de douze ; je demande que la commission fixe le nombre de ceux qui doivent se présenter dans cette enceinte. Ce n'est pas que je redoute le nombre d?hommes qui voudront parler contre moi ; je déclare que la salle n?est pas assez vaste pour contenir ceux qui devraient entendre le récit des horreurs que nous avons à révéler : mais je demande que s?il est permis à nos adversaires de faire entrer leurs amis, la même faculté nous soit accordée ; que tous les amis que nous avons ici, que tous les noirs et hommes de couleur, qui font le véritable peuple des colonies, et que je ne vois pas ici, soient admis concurremment avec les soi-disant représentants des colons de Saint-Domingue, ou bien que le nombre de ces représentants, députés par Saint-Domingue soit réduit. [?]

Senac : Je suis chargé des pouvoirs des colons de Saint-Domingue, pour dénoncer les dévastateurs de cette colonie et notamment Polverel et Sonthonax.

Page : Je me nomme Pierre-François Page ; je parle tant en mon nom que comme chargé des pouvoirs des colons de Saint-Domingue, pour accuser Polverel et Sonthonax.

Thomas Millet : Je chéris trop l?honorable mission de mes concitoyens, qui m?ont chargé de venir dénoncer Polverel et Sonthonax comme partisans de l?Angleterre et dévastateurs de la partie française de Saint-Domingue, pour y renoncer : envers et contre tous, et la tête sur l?échafaud, je soutiendrai la mission honorable dont je suis chargé.

Duny : Tant en mon nom que comme chargé des pouvoirs de mes compatriotes déportés aux Etats Unis et répandus sur le territoire de la République, et comme accusateur de Polverel, Sonthonax et leurs complices [?].

Verneuil : Tant en mon nom personnel qu?au nom de mes compatriotes de Saint-Domingue, accusateurs de Polverel et Sonthonax [?].

Thomas Millet : Accusateur individuel et chargé des pouvoirs des patriotes colons de Saint-Domingue [?]

Note : Tous les représentants des colons ont à peu près les mêmes griefs. Les autres représentants des colons présents et qui se présentent sont : Brulley, Clausson, Deaubonneau et Fondeviolle. Les accusés Sonthonax et Polverel se présentent ensuite :

L?un des commissaires : Sonthonax, l?un des commissaires civils envoyés à Saint-Domingue pour rechercher les auteurs des troubles avant mon arrivée, comme auteurs d?un système d?indépendance, tendant non seulement à fédéraliser les colonies, mais encore à les soustraire à la France : Je me porte accusateur des assemblées coloniales et de leurs agents, pour avoir machiné, avec le cabinet de Saint-James, le complot de livrer les colonies à l?Angleterre.

Le second commissaire : Mon nom est Etienne Polverel, ci-devant commissaire délégué dans les Iles-sous-le-vent : je ne me porte accusateur de personne ; malheureusement il y aura assez d?individus qui se trouveront froissés par les pièces.

[?]

Le président de la commission : la commission a délibéré qu?elle admettait à ses séances tous ceux qui se porteront accusateurs ou qui seront accusés.

[?]

Note HB : L?extrait, ci-dessous, comprend les pages 290 à 293 du volume 1 ? Séance du 18 pluviôse, an III (30 janvier1795)

Page : Si l?on juge de l?incendie du Port au Prince par les évènements qui ont précédé l?incendie, on en reconnaît les auteurs dans les hommes de couleur. Vous verrez, dans la suite des débats, des pièces qui constatent qu?on a trouvé dans différentes maisons beaucoup de matières combustibles qui n?avaient pas été embrasées ; vous verrez encore que le projet d?incendie était connu de plusieurs contre-révolutionnaires à bord du vaisseau commandé par M. de Grimoard. Vous avez vu, citoyens, que l?arrêté du 2 septembre ne produisit aucun effet utile dans la province du Nord ; il n?en produisit pas davantage dans le quartier de Jérémie. Mon collègue va vous donner connaissance de ce qui s?est passé à cette époque dans le quartier de Jérémie.

Thomas Millet : Le quartier de Jérémie contient cinq communes, celle de Tiburon, le Cap-Dame-Marie, les Abricots, Jérémie et les Caymittes : ces cinq communes semblent isolées du reste de Saint-Domingue ; elles sont bornées d?un côté par de hautes montagnes d?un accès difficile, de l?autre par un canton extrêmement étendu et justement appelé le Désert parce qu?étant privé d?eau, et ne présentant que des terres arides, il n?est point habité ; et enfin par la mer : cette position a toujours préservé ce quartier de la dévastation qui a désolé toute la colonie. Jérémie n?avait donc et n?a jamais éprouvé d?insurrection de la part des esclaves ; mais quelques hommes de couleur de la commune des Caymittes, qui communique avec la commune de Petit-Trou, commencèrent à jeter des semences de division, et à propager l?insurrection dans cette partie. Je demande que le citoyen président interpelle le citoyen Polverel de déclarer s?il se rappelle du nom des hommes de couleur qui lui avaient présenté des pétitions pour être réintégrés dans leurs possessions dans la paroisse des Caymittes.

Polverel : Je me rappelle le nom de l?un d?eux ; je ne me rappelle pas ceux des autres : il se nommait Noël Azor.

L?un des commissaires : Sonthonax, l?un des commissaires civils envoyés à Saint-Domingue pour rechercher les auteurs des troubles avant mon arrivée, comme auteurs d?un système d?indépendance, tendant non seulement à fédéraliser les colonies, mais encore à les soustraire à la France : Je me porte accusateur des assemblées coloniales et de leurs agents, pour avoir machiné, avec le cabinet de Saint-James, le complot de livrer les colonies à l?Angleterre.

Le second commissaire : Mon nom est Etienne Polverel, ci-devant commissaire délégué dans les Iles-sous-le-vent : je ne me porte accusateur de personne ; malheureusement il y aura assez d?individus qui se trouveront froissés par les pièces.

[?]

Le président de la commission : la commission a délibéré qu?elle admettait à ses séances tous ceux qui se porteront accusateurs ou qui seront accusés.

[?]

Note HB : L?extrait, ci-dessous, comprend les pages 290 à 293 du volume 1 ? Séance du 18 pluviôse, an III (30 janvier1795)

Page : Si l?on juge de l?incendie du Port au Prince par les évènements qui ont précédé l?incendie, on en reconnaît les auteurs dans les hommes de couleur. Vous verrez, dans la suite des débats, des pièces qui constatent qu?on a trouvé dans différentes maisons beaucoup de matières combustibles qui n?avaient pas été embrasées ; vous verrez encore que le projet d?incendie était connu de plusieurs contre-révolutionnaires à bord du vaisseau commandé par M. de Grimoard. Vous avez vu, citoyens, que l?arrêté du 2 septembre ne produisit aucun effet utile dans la province du Nord ; il n?en produisit pas davantage dans le quartier de Jérémie. Mon collègue va vous donner connaissance de ce qui s?est passé à cette époque dans le quartier de Jérémie.

Thomas Millet : Le quartier de Jérémie contient cinq communes, celle de Tiburon, le Cap-Dame-Marie, les Abricots, Jérémie et les Caymittes : ces cinq communes semblent isolées du reste de Saint-Domingue ; elles sont bornées d?un côté par de hautes montagnes d?un accès difficile, de l?autre par un canton extrêmement étendu et justement appelé le Désert parce qu?étant privé d?eau, et ne présentant que des terres arides, il n?est point habité ; et enfin par la mer : cette position a toujours préservé ce quartier de la dévastation qui a désolé toute la colonie. Jérémie n?avait donc et n?a jamais éprouvé d?insurrection de la part des esclaves ; mais quelques hommes de couleur de la commune des Caymittes, qui communique avec la commune de Petit-Trou, commencèrent à jeter des semences de division, et à propager l?insurrection dans cette partie. Je demande que le citoyen président interpelle le citoyen Polverel de déclarer s?il se rappelle du nom des hommes de couleur qui lui avaient présenté des pétitions pour être réintégrés dans leurs possessions dans la paroisse des Caymittes.

Polverel : Je me rappelle le nom de l?un d?eux ; je ne me rappelle pas ceux des autres : il se nommait Noël Azor.

Thomas Millet : Eh bien ! ce Cadouche qu?on a présenté comme ayant la grande main sur l?assemblée coloniale, ce Cadouche dont nous vous dirons en détail les crimes, ce Cadouche avait habité quelque temps chez Noël Azor : ce Cadouche que nous avons dénoncé à la Convention nationale, que nous avons dénoncé à l?univers comme un conspirateur, fut envoyé par Barnave dès le mois de février 1791, dans le moment où l?on formait à Paris les projets de dévastation de Saint-Domingue, dans la commune des Caymittes. Il y avait dans cette commune trois ou quatre propriétaires riches, hommes de couleur, dont les noms étaient Noël Azor, Lafond, Lepage, et un autre dont le nom ne me revient pas ; ils étaient connu notoirement pour avoir assassiné leurs pères, parce qu?ils vivaient trop longtemps, et les empêchaient de jouir assez tôt de leur immense fortune. Je dirai même que ce procès fut examiné et jugé par ce vertueux, ce respectable magistrat Ferrand de Baudière et qui, je ne sais comment, trouva ces assassins innocents. La première insurrection vint de ces hommes que je viens de nommer ; et le premier mouvement que firent ces révoltés fut de se porter chez une malheureuse femme, la citoyenne Séjourné qui était nouvellement mariée : ils pénètrent dans la maison au moment ou l?on soupait, assassinent la mère, se saisissent du jeune époux, l?attachent à un poteau, violent sa femme en sa présence, et lui font supporter toutes les indignités dont le procès de Carrier a pu donner l?idée, celles que Pinard a faites à la commune de Vue, où il a fait passer sur le corps de six infortunées 400 brigands mulâtres et nègres dont il était accompagné. Après s?être porté à ces excès avec cette malheureuse femme, croyez-vous qu?ils s?en tinrent là ? non, ils l?assassinent, lui ouvrent le ventre, en arrachent l?enfant qu?elle portait, en frappent le visage du malheureux Séjourné, l?assassinent, et sortent en jetant l?enfant dans un parc à cochon. Eh bien ! cette action atroce inspira aux nègres de la dépendance de Jérémie une telle indignation, que la révolte fut générale ; mais contre qui ? contre les hommes de couleur. Ils criaient partout à leurs maîtres : nous ne voulons pas qu?il y ait un seul homme de couleur dans la colonie ; ils vont se porter aux mêmes excès qu?ils ont commis chez le citoyen Séjourné. Les nègres du quartier de Jérémie chassèrent et proscrivirent ceux des hommes que je viens de nommer. La municipalité de Jérémie voyant cette effervescence des nègres, voyant que les hommes de couleur venaient auprès d?elle chercher asile contre l?insurrection des nègres que leurs atrocités avaient révoltés, leur offrit des bâtiments dans la rade, où ils furent retirés, nourris et protégés : la municipalité les plaça donc sur des bâtiments pour leur sûreté ; et pour la régie des biens, elle plaça sur l?habitation de ceux qui avaient des propriétés, un régisseur qui devait rendre compte, et qui en effet rendit compte à la femme et aux enfants du produit de leurs revenus, soit pour être versé dans les mains de leurs créanciers, soit pour subvenir à leurs besoins ; je ne crois pas qu?on puisse nier ce fait. Les hommes de couleur, connus pour leur bonne conduite, restèrent, sur leur parole, dans la ville, au milieu des blancs : de ce nombre étaient Branchereau, les Legrand, Dutoudard, Tripier, Rocher, et quelques autres.

On vous a dit que les blancs avaient eu la scélératesse d?inoculer la petite vérole à ces malheureux qu?ils avaient recueillis pour les détruire : vous n?avez point cru, citoyens, à cette assertion aussi fausse qu?elle est vague et insignifiante ; il est certain que la petite vérole gagna ceux qui étaient dans les vaisseaux.

La loi du 4 avril est arrivée à Saint-Domingue au moment où ces hommes étaient sur les vaisseaux : comme toutes les parties de la colonie se portaient à l?exécuter, quoiqu?il fût dit qu?elle ne le serait que lorsque les commissaires civils l?auraient promulguée, la municipalité fit convoquer la commune pour procéder à de nouvelles élections ; et ne voulant pas que des hommes qui avaient des propriétés fussent dispensés de concourir à ces élections, elle fit débarquer les hommes de couleur. Les élections se firent ; et la municipalité nouvelle fut formée ; les hommes de couleur Blancheteau, Tripier, et Joseph Legrand, furent élus membres.

A cette même époque, le gouverneur Blanchelande, connu pour un conspirateur, avait envoyé, pour commander à Jérémie, Lopinot : ce Lopinot a été depuis revêtu par le soi-disant régent de France, Monsieur, du titre de commandant de Saint-Domingue. Il apporta avec lui un très grand nombre d?armes qui furent distribuées aux hommes de couleur. [?] Un d?eux assassina un nègre ; il fut arrêté et traduit devant un tribunal [?] Ces hommes de couleur en armes se réunirent sur l?habitation Colinon, et de là firent audacieusement demander aux autorités constituées la liberté de l?assassin ; ils firent plus, ils ajoutèrent que les motifs de leur prise d?armes étaient la demande de la formation des hommes de couleur en compagnies franches, telles que Blanchelande les avaient instituées, et telles que Polverel et Sonthonax les ont formées depuis. La municipalité envoya un de ses membres, le citoyen Lafage, qui en observant les formalités prescrites par la loi, ordonne à ce rassemblement de mettre bas les armes. [?] Les hommes de couleur font feu sur les blancs ; plusieurs sont tués, notamment Lajonquière, régisseur de mon habitation ; Toir, mon voisin : je ne me rappelle pas le nom des autres. Ce fut donc à cette époque que les hommes de couleur prirent la fuite, et se retirèrent au Cap près de Polverel.

Sonthonax : J?observe que le citoyen Millet est dénonciateur et témoin dans sa propre cause.

[?]

Extraits du Volume 2 (référence CARAN : ad/XVIIIc/341)

Note HB : L?extrait, ci-dessous, comprend les pages 162 à 166 du volume 2 ? Séance du 26 pluviose, an III (14 février 1795)

[?]

Page : Interpellé par Polverel de dire à quelles époques les assassinats ont été commis à Jérémie, ayant la mémoire fort infidèle, surtout depuis ma maladie, et n?ayant pas les preuves sous les yeux, j?ai dit que c?était sur la fin de septembre ou dans les premiers jours d?octobre : je rétablis les faits, d'après les pièces déposées dans vos archives.

(il lit)

Lettre de la municipalité de Jérémie à l?assemblée coloniale
20 Octobre 1791

« Nous nous hâtons de vous annoncer l?heureux effet des voies de conciliation employées par MM. vos commissaires. »

« Notre commune a, de sa propre volonté, unanimement prononcé le pardon des gens de couleur arrêtés au fond d?Icaque ; ils ont à l?instant été relâchés : leur faute a été ensevelie dans un éternel oubli. »

Voilà la première époque. Voici une lettre du 6 décembre, qui fixe les autres époques auxquelles les hommes de couleur ont recommencé les meurtres et les incendies.

(il lit une autre lettre de la municipalité de Jérémie, en date du 6 décembre 1791)

« les gens de couleur ont enfin consommés les projets destructeurs qu?ils avaient tant de fois formés contre nous ; ils ont soulevé les ateliers dans les quartiers des Cayemittes, du fond des Halliers, des hauteurs du Grand-Vincent, et des Roseaux. Ils conduisent les révoltés au meurtre et aux incendies ; les succès de leur brigandage sont affreux : un grand nombre d?habitations sont réduites en cendre. Plusieurs habitants, leurs enfants, leurs femmes, ont été égorgés de la main des mulâtres ; il n?y a rien de sacré pour eux : ils poursuivent leurs massacres et s?approchent de nos foyers. S?il en est encore temps, messieurs, procurez-nous des secours ; fournissez-nous au moins des munitions de bouche et de guerre : la ville va bientôt être affamée par les malheureux qui viennent de tous côtés s?y réfugier, et qui sont sans armes. »

Le 11 décembre, cette municipalité écrit à l?assemblée provinciale de l?Ouest :

« Les chefs des brigands, ces mêmes hommes de couleur auxquels nous avions eu la générosité de sauver la vie, lorsqu?ils avaient mérité de la perdre dans les supplices, ces scélérats lient par le crime ceux qu?ils ont forcés d?être leurs complices : ils mettent à prix la tête des blancs, et ce prix est scrupuleusement payé : cependant, leurs brigandages n?ont pas une suite aussi rapide qu?ils se l?étaient promis. La plus grande partie des ateliers est restée fidèle aux blancs ; ceux qui ont été surpris s?échappent, et se rendent à leurs maîtres??? Les gens de couleur de notre département avaient formé le projet de renouveler, à l?égard des blancs de nos campagnes, la scène de la Saint-Barthélémi ; de les égorger dans leurs habitations, pour s?emparer ensuite de la ville. »

Il y a plusieurs autres lettres qui font dans le même sens ; mais celles-ci suffisent pour fixer l?époque.

Polverel : Une observation sur ces lettres-là, il était question de fixer l?époque du crime imputé nominativement à Noël Azor, et c?est relativement à ce prétendu crime que j?ai prié le président d?interpeller les colons de fixer l?époque à laquelle ils prétendent que ce crime avait été commis. C?est relativement à ce prétendu crime de Noël Azor que Page a prétendu que c?était à la fin du mois de septembre ou au commencement du mois d?octobre 1791. Pour rectifier les époques, le citoyen Page vient de nous faire lecture, dans ce moment, de diverses lettres de la municipalité de Jérémie, relatives à de prétendues insurrections des hommes de couleur, mais où il n?y a rien de relatif aux prétendus crimes de Noël Azor : par conséquent, il n?a pas rectifié la prétendue erreur qu?il a commise.

Page : Je demande si lorsque Polverel parle des crimes de Le Page, de Noël Azor, il entend parler de l?assassinat de leurs pères.

Polverel : ce n?est pas à moi à répondre à cela.

Page : S?il parle de l?assassinat commis par Simon Le Page et complices sur leurs pères, je déclare que j?en ignore absolument l?époque ; s?il parle de l?époque de la révolte ou Le Page et Azor se sont mis à la tête des hommes de couleur qui sont les auteurs de la révolte du fond des Halliers ; car ils habitaient ces quartiers-là. La municipalité de Jérémie n?a pas écrit que ce fussent Azor et Le Page nominativement, mais les hommes de couleur sortis du fond des Halliers, qui avaient commis ces massacres et ces incendies : mail il était de notoriété publique que Le Page et Azor étaient à la tête de ces hommes de couleur, et moi-même j?étais l?intime ami de ce Séjourné qui a été assassiné ; et puisqu?on le veut, je vais vous en donner les preuves.

(il lit)

Lettre de la citoyenne Desmarais de Mont-Félix, 2 avril 1792,
Sur le massacre de la femme Séjourné

« Si les brigands n?ont pas incendié notre quartier aussi généralement que le vôtre, c?est qu?ils ont trouvé de la résistance d?une part, et que, de l?autre, la plus grande partie de nos ateliers nous sont resté fidèles ; mais leurs cruautés envers ceux de nos frères qu?ils ont pu surprendre, n?en ont été que plus combinées et plus atroces. » (Interruption de la lecture.) J?aurais voulu vous épargner le tableau de ces horreurs. (Il achève sa lecture.) « Vous n?avez pas ignoré les abominations inouïes qu?ils ont exercées sur la malheureuse famille Plinguel, leur première victime. La mère et le gendre coupés en morceaux : la jeune femme, enceinte, a vu, toute vivante, déchirer ses entrailles, en arracher son enfant, qu'on a fait manger à des pourceaux;  trois enfants, depuis six ans jusqu?à dix, ont été découpés de vingt coups de manchettes, et ont eu les pieds grillés lentement. Depuis, deux pris vivants ont servi, par leurs tourments, de spectacle à ces monstres : l?un a été écorché tout vivant, et l?on a fait porter à l?autre sa tête et sa peau, dont ils ont fait un tambour, jusque dans le lieu où il a subi le même supplice ; un autre blanc, pris par les mulâtres, a eu le poing coupé, et le lendemain on les a faire cuire devant lui et on l?a forcé de les manger, en attendant les autres exécrations qui lui ont enfin donné la mort?.. »

Dans le récit de ces massacres qui vous a été fait précédemment, on vous a indiqué les personnages qui étaient à la tête de ces mouvements ; mais les uns et les autres avaient quatre cent nègres, et c?est avec ces esclaves qu?ils ont commencé la révolte.

(la séance est ajournée à demain.)





















[?]

Extraits du Volume 3 (référence CARAN : ad/XVIIIc/342)

Note HB : L?extrait, ci-dessous, comprend les pages 172 à 178 du volume 3 ? Séance du 13 ventôse, an III (3 mars 1795)

[?]

Sonthonax : Le citoyen Th. Millet, qui a parlé sur ces faits, a dit que la petite vérole avait existé à bord des bâtiments où étaient renfermés les hommes de couleur ; il a nié l?inoculation.

Th. Millet : Il est bien différent de dire, la petite vérole a eu lieu dans tels endroits ; ou bien de dire, on leur a inoculé la petite vérole. Il y a d?une part atrocité, et de l?autre part, aveu d?un accident naturel.

Sonthonax : Il est de notoriété publique qu?on a introduit la petite vérole, maladie pestilentielle en Amérique, qu?on a, dis-je, introduit cette maladie à bord des bâtiments dans lesquels étaient les hommes de couleur. [?] Il est de notoriété publique qu?à Jacmel et à Jérémie, dans chacune de ces municipalités, on payait 132 liv. par chaque tête d?homme de couleur que les noirs armés contre eux apportaient. [?] Mais il est bien évident que c?est vous qui aviez armé les esclaves ; il est bien évident qu?en les armant, vous les excitiez contre le peuple de couleur ; il est bien évident que cette prétendue haine des esclaves contre les hommes de couleur était votre propre ouvrage, puisque dans la majorité de la colonie, excepté dans les deux quartiers de Jacmel et Jérémie, les hommes de couleur ont été constamment protégés par les esclaves. [?]

[?]

Th. Millet : J?ai dit que les hommes de couleur s?étaient portés d?eux-mêmes à la municipalité, pour y demander secours contre le grand mouvement qui s?était fait parmi les esclaves relativement à l?assassinat de la famille Séjourné, et que la municipalité et les blancs, réunis dans la ville de Jérémie, avaient mis dans les bâtiments, les hommes de couleur pour leur propre sûreté. Voilà ce que j?ai dit, et je n?ai point dit qu?on eut armé les esclaves.

Sonthonax : Je prie la commission d?interpeller Th. Millet de déclarer s?il n?est pas à sa connaissance qu?un corps d?esclaves noirs a été armé à Jérémie, sous le commandement de Jean Kina, pour marcher contre les hommes de couleur de Jérémie.

Th. Millet : Sonthonax intervertit les dates, les lieux, comme les personnes et les choses. Il y a eu à la paroisse de Tiburon, et non pas à Jérémie, un corps d?hommes de couleur esclaves, commandés par Jean Kina, armés contre un rassemblement d?hommes de couleur qui se réunissaient dans la partie du sud de l?île. Ils dévastaient, ils égorgeaient ; mais ce n?est pas le fait de Jérémie. Au reste, ce fait-là ne peut pas être imputé à crime, puisque c?était pour sauver les victimes du carnage et du pillage. Je n?ai pas l?époque certaine de l?armement de Jean Kina ; mais elle est postérieure à l?embarquement des hommes de couleur, à Jérémie : je soutiens et j?affirme que l?armement de Jean Kina n?a point été l?ouvrage de la commune de Jérémie ; que cet armement a eu pour objet de défendre les victimes qui étaient tous les jours égorgées par les hommes de couleur de la partie du sud, qui se rendaient à Tiburon.

Polverel : Thomas Millet a raison pour le lieu ; et c?est à Tiburon que Jean Kina et sa troupe ont été armés.

Sonthonax : Mais Tiburon est de la dépendance de Jérémie.

Polverel : [?] Thomas Millet et les colons se trompent sur les dates, lorsqu?ils disent que ce corps n?a été formé que depuis notre arrivée dans la colonie ; il était formé et armé, non seulement avant l?époque de mon voyage aux Cayes, qui est du mois de septembre 1792, mais il était formé longtemps avant notre arrivée dans la colonie ; il l?avait été dans le fort de la guerre des blancs contre les hommes de couleur.

Sonthonax : [?] Comme Tiburon est une dépendance de la confédération de la Grande-Anse, on peut très bien en conclure que Jérémie a armé des hommes de couleur esclaves contre des hommes de couleur libres.

Th. Millet : Un fait, c?est que cet armement des nègres esclaves, annoncé par Sonthonax, est postérieur de plusieurs mois à l?évènement qui a conduit à bord les hommes de couleur de la paroisse de Jérémie.

[?]

Page : [?] D?ailleurs je suis du quartier de Jérémie et du Cap Dame-Marie, intermédiaire de Tiburon et de Jérémie, et je sais très bien ce qui s?est passé. Il est très vrai que Tiburon est dépendant de Jérémie ; mais à l?époque de l?armement de Jean Kina, Tiburon était isolé ; et cette confédération ne s?est faite qu?à l?époque où Blanchelande et Roume parcouraient en dictateurs toute la colonie. C?est à cette époque que c?est fait la confédération de cinq à six paroisses que l?on appelle aujourd?hui la Grande-Anse. Mais l?armement de Jean Kina, qui était l?esclave de mon fondé de procuration, et que par conséquent je connaissais bien, l'armement de Jean Kina et des nègres a été fait par la commune de Tiburon ; et cette commune était alors étrangère à toutes les autres communes. [?] Les habitants de Tiburon marchèrent contre ce torrent dévastateur(* ) ; ils y marchèrent avec les mulâtres avec lesquels ils s?entremêlèrent. Voilà comment a été formée la colonne. Lorsque les blancs et les mulâtres furent ainsi rangés en présence des nègres ; le premier feu que firent les mulâtres fut dirigé sur les blancs qui étaient à côté de chacun d?eux, et trois de mes intimes amis, trois frères, furent égorgés par trois de leurs frères mulâtres. Alors les habitants de Tiburon désespérant de se sauver, parce que la plus grande partie de ceux qui étaient en état de porter les armes avaient été écharpés par cette infâme trahison ; alors ils appelèrent leurs nègres à leur secours ; et Jean Kina, qui était esclave du citoyen Laroque, qui était connu pour son intelligence, dit à son maître : je connais parfaitement le pays ; si vous me donnez une cinquantaine de nègres, je vous promets de vous défendre. Effectivement, on donna 2 ou 300 nègres à ce nègre-là qui établit un poste ; cela se fit avec célérité. Tiburon fut attaqué 6 ou 8 heures après par un torrent dévastateur ; Jean Kina fit des prodiges de valeur, et repoussa les nègres esclaves qui avaient à leur tête les hommes de couleur. Il y a eu à peu près cinq cents nègres tués, et à peu près cinquante ou soixante mulâtres : le reste prit la fuite. Voilà ce qui a donné lieu à la prise d?armes de Jean Kina à Tiburon. Mais Jérémie n?y avait eu aucune part jusqu?alors, et la confédération ne s?est faite que sept et huit mois après.

[?]

Sonthonax : J?observe en passant que ce Jean , dont Page vient de faire un si grand éloge, a toujours été fort attaché aux colons, et qu?il est aujourd?hui capitaine3 au service de sa majesté britannique dans la légion royale et britannique de l?Ouest.

Polverel : Colonel.

Sonthonax : Non ; c?est Montalembert qui en est colonel. Ce Jean Kina a écrit des lettres qui sont inventoriées dans nos papiers, et qui prouvent qu?il n?a jamais été que l?instrument des blancs contre la France et contre les hommes de couleur qui lui étaient fidèles.

Page : Je dirai que Jean Kina est un esclave qui sait très bien commander un atelier, qui a appris à commander trois cents nègres ; mais que Jean Kina n?a jamais su écrire, et ces lettres n?ont jamais été écrites par lui.4

Sonthonax : Cela est très possible : Jean François et Biaffon, qui ne savent pas écrire, signent bien au nom de sa majesté catholique.

Polverel : Je sais très pertinemment qu?il sait signer ; car il a signé en ma présence des déclarations officielles.

Page : Jean Kina, dit-on, est actuellement capitaine au service du roi d?Angleterre ; cela est très possible. Depuis que les habitants de Jérémie, placés d?un côté entre la torche incendiaire allumée par Polverel et Sonthonax, et les anglais qui leur offraient leur protection ; depuis, dis-je, que les habitants ont reçu la protection d?une nation ennemie, il est possible que Jean Kina, entraîné par l?influence de son maître, ait cédé aux offres des agents du roi d?Angleterre dans la colonie. Ils se seront surtout attachés à le fixer dans leurs intérêts, parce qu?il leur importe, pour pouvoir comprimer les blancs de Jérémie, qu?ils savent très bien ne s?être soumis au gouvernement anglais que pour leur conservation ; il importe, dis-je, au gouvernement d?Angleterre, de s?attacher le chef des nègres, afin que quand les blancs voudront abandonner le pavillon anglais, il puisse comprimer les blancs par leurs propres nègres. Voilà le motif qui aurait pu déterminer le gouvernement anglais à favoriser Jean Kina. Je suis persuadé qu?il l?a fait, et il était de son intérêt de le faire.

[?]

Note HB : Rien de particulièrement intéressant jusqu?à la fin du volume 3.


INDEX PARTIEL DES NOMS DE PERSONNES

Compilation Andrée-Luce Fourcand

Azor Noël

Barnave (Antoine) Avocat, né à Grenoble en 1761, il est guillotiné à Paris en 1793. Député du Tiers aux états généraux, cet admirateur de Montesquieu y devint le porte-parole des colons et du négoce contre les philosophes, sa famille spirituelle. Le locataire des Lameth, lié à Reynaud de Villevert, parent de Bacon de la Chevalerie, fera légaliser la traite négrière, l?esclavage, l?autonomie intérieure des colonies et, pendant un temps, l?infériorité civique des Libres, triomphant des assauts des Amis des Noirs.

Source : La Révolution de Haïti, Général Pamphile de Lacroix. édition présentée et annotée par Pierre Pluchon. Editions Karthala. Paris. 1995. Index biographique, page 457.

Biassou Créole métissé, il était le second de Jean-François, mais n'avait pas l?ascendant ni la prestance du Grand Amiral. Au contraire, on le disait sans charme, violent et sectateur du vaudou. Dans les premiers temps, il eût Toussaint Louverture comme « secrétaire », puis comme adjoint militaire sans le cadre des troupes noires auxiliaire. Il fut trahi par Toussaint dès 1794. Il ne profita pas longtemps de son grade de maréchal de camp : les Espagnols le firent assassiner.

Source : La Révolution de Haïti, Général Pamphile de Lacroix. édition présentée et annotée par Pierre Pluchon. Editions Karthala. Paris. 1995. Index biographique, page 459.

Blanchelande (Philibert-François Rouxel de) Né à Dijon en 1735, guillotiné à Paris en 1793, en même temps que son fils qui était son aide de camp. Gouverneur à Tabago en 1781, maréchal de camp en 1788, lieutenant au gourvernement général de Saint Domingue en 1790, il assure le remplacement de Peinier dès le mois d?octobre. Homme honnête, mais sans caractère, partisan de l?union des Blancs et des Libres, il sera le jouet de la seconde Assembée coloniale et des « patriotes », malgré le soutien actif du commissaire Roume. La deuxième Commisssion, dominée par le brouillon Sonthonax, 3 jours après son arrivée, le 24 septembre1792, ordonne sa déportation en France pour y être jugé sous prétexte de contre-révolution.

Source : La Révolution de Haïti, Général Pamphile de Lacroix. édition présentée et annotée par Pierre Pluchon. Editions Karthala. Paris. 1995. Index biographique, page 459.

Cadouche (?) Probablement Cadusch (Paul de ). Fils d?un officier suisse à Saint-Domingue, propriétaire créole du Quartier Morin, député à l?assemblée de Saint-Marc, président de la seconde Assemblée coloniale, cet autonomiste anglophile compte parmi les négociateurs de la remise de la Grande Ile aux Britanniques. Il mourut à la Jamaïque en 1795

Source : La Révolution de Haïti, Général Pamphile de Lacroix. édition présentée et annotée par Pierre Pluchon. Editions Karthala. Paris. 1995. Index biographique, page 463..

Ferrand de Baudière Ancien sénéchal du Petit-Goâve, assassiné par des blancs qui lui reprochaient d?être favorable aux revendications des hommes de couleur libre en décembre 1789.

Source : Les Assemblées paroissiales des Cayes à St.Domingue (1774-1793). Françoise Thésée. Les ateliers Fardin. Port-au-Prince. 1982. Notices biographiques, page 190.

Grégoire (Henri, abbé) Né à Vého en 1750, il meurt à Paris en 1831. Ce prêtre puis évêque janséniste n?a cessé de demander l?égalité des droits en faveur des Libres. Membres des Amis des Noirs, il réclamait l?abolition de la traite négrière et l?abolition graduelle de l?esclavage.

Source : La Révolution de Haïti, Général Pamphile de Lacroix. édition présentée et annotée par Pierre Pluchon. Editions Karthala. Paris. 1995. Index biographique, page 478..

Jean-François /On ignore les origines de ce Noir créole ; toujours est-il qu?il s?imposa dès les premiers jours, comme le chef des insurgés. Il le resta jusqu?en 1794, quand Toussaint Louverture trahit les Espagnols, qui en avaient fait un colonel et le troisième chef noir, Biassou, étant le second. Le traité de Bâle (1795) mit fin à la carrière de beau Jean-François, qui en 1791, avait pris les titres de Grand Amiral de France et de général en chef. L?Espagne ayant fait la paix avec la Révolution, il se retira dans ce pays, lieutenant général, entouré d?officiers noirs, vivant d?abord à Madrid puis à Cadix où il mourut en 1822. Il était convaincu que royalistes ou républicains, les Français maintiendraient l?esclavage. Aussi, à la fin de 1791, n?avait-il demandé que la liberté des chefs du soulèvement et de leur famille, comme prix du retour des Noirs sur les plantations.

Source : La Révolution de Haïti, Général Pamphile de Lacroix. édition présentée et annotée par Pierre Pluchon. Editions Karthala. Paris. 1995. Index biographique, page 482.

Kina (Jean) Esclave noir, que les planteurs de la Grande Anse, mirent à la tête d?un corps d?esclaves, pour les protéger des Libres et des esclaves insurgés. Lors de l?occupation de l?île, les Anglais feront un colonel de cet homme d?une quarantaine d?années qui acceptera d?être affranchi en 1794. en 1798, quand les Britanniques évacuent Saint-Domingue, il quitte le Môle Saint-Nicolas pour la Jamaïque et l?Angleterre à la tête de son corps. Envoyé à la Martinique, en 1800, il en revient en 1801 : il est emprisonné à Londres, pour avoir voulu provoquer un soulèvement contre la population blanche. Après la paix d ?Amiens de 1802, il est libéré. Il part aussitôt pour la France où il est jeté en prison, notamment au fort de Joux où Toussaint et André Rigaud sont enfermés. Il est libéré en 1804 et affecté au bataillon noir de l?armée d?Italie.

Source : La Révolution de Haïti, Général Pamphile de Lacroix. édition présentée et annotée par Pierre Pluchon. Editions Karthala. Paris. 1995. Index biographique, page 483..

Informations supplémentaires tirées de : Les Assemblées paroissiales des Cayes à St.Domingue (1774-1793). Françoise Thésée. Les ateliers Fardin. Port-au-Prince. 1982. Notices biographiques, page 193.

Kina (Jean) probablement né en Afrique vers 1752. Esclave à talent (charpentier?) sur la cotonnerie Laroque-Turgeau, paroisse de Tiburon. Il aurait été libéré par son maître pendant la guerre civile pour commander un détachement d?esclaves armés contre les hommes de couleur libres à Tiburon, puis se met au service des colons des Cayes en janvier 1793 pour combattre les insurgés des Platons. Passe au service des Anglais après leur débarquement à la Grande Anse en septembre 1793. Se distingue dans les combats pour conserver Tiburon aux Anglais. En janvier 1796 il est promu colonel dans l?armée anglaise et son fils, Zamor, est nommé capitaine. Il ne semble pas qu?il ait pris une part active aux opérations qui aboutirent à l?évacuation du territoire par les Anglais. Il s?embarque au Môle Saint-Nicolas en octobre 1798 avec le dernier détachement anglais. Après quelques mois passés à la Jamaïque, il arrive en Angleterre en avril 1799 où il est accueilli avec les honneurs par les colons de l?émigration groupés autour de Malouet à Londres. Il est pensionné, ainsi que son fils, par le gouvernement anglais. En 1800, ce dernier l?envoie à la Martinique où les colons français lui réservent un accueil plus que distant. Il y épouse une jeune fille de couleur libre Félicité Guimard, fille d?un maçon de Port-Royal. Un décret anglais susceptible de remettre en question son affranchissement explique peut-être sa participation à un complot fomenté par des hommes de couleur libres. Embarqué avec sa famille, il est incarcéré en mars 1801 à la prison de Newgate. Aucune charge n?ayant été retenue contre lui, il reçoit pour services rendus 300 livres sterling. Il devient un personnage encombrant pour les Anglais qui le libèrent. Après la paix d?Amiens, il arrive en France où son passé le classe parmi les suspects. Il est incarcéré avec son fils à la prison du Temple puis transféré au fort de Joux en janvier 1803, ignorant la présence dans cette même forteresse de Toussaint Louverture et d?André Rigaud. Jean et Zamor furent libérés en juin 1804 à condition de s?engager dans le bataillon des hommes de couleur de l?armée d?Italie.

Laroque-Turgeau (ou La Roque- Turgeau, Guillaume) Hab. prop. Au Cap Tiburon. époux de Perrine-Louise Fret, sa fille Marie-Claire épousa le 29 sept. 1774 Louis Barthélémy Duboscq de Carben, Ingénieur du roi, Grand Voyer de la colonie, capit. De Dragons. Un Jean-Baptiste Laroque-Turgeau, vivait également à Tiburon vers 1780. Page 1510. Cité en pages 1350, 1355, 1359.

Source : Description topographique, physique, civile politique et historique de la partie française de l?isle de Saint-Domingue. Moreau de Saint-Méry. Tome 3. Paris. Société française d?Histoire d?Outre-Mer, Paris. 1984.

Millet (Thomas), [Frère de Jean-Baptiste, fils d?un négociant de Nantes, négociant aux Cayes, électeur de la partie du Sud. Commissaire de l?Assemblée Générale élue en août 1790, auprès de l?assemblée Constituante. Ses frès Jacques et Thomas vivaient aussi aux Cayes]. Arch. Col. E 312. Page 1525. Cité en pages 1340, 1342

Source : Description topographique, physique, civile politique et historique de la partie française de l?isle de Saint-Domingue. Moreau de Saint-Méry. Tome 3. Paris. Société française d?Histoire d?Outre-Mer, Paris. 1984.

Polvérel (Étienne de) Né dans le Béarn, il meurt à Paris en avril 1795. Avocat au parlement de Paris, comme son futur collègue Sonthonax, accusateur public au tribunal du 1er arrondissement de Paris (1791) , ce franc-maçon entré en 1790 aux Jacobins, en devient secrétaire et s?associe aux ennemis des colons qui font chasser les frères Lameth du club. Membre du Conseil Général des la Commune de Paris, il est nommé à la seconde commission (1792-1794) sur la recommandation de Brissot et semble-t-il de Chaumette, qui naguère était allé à Saint-Domingue. Associé à Sonthonax, il établit la dictature dans la Grande-Ile. Après l?écrasement du Port-au-Prince. Après l?écrasement du Port-au-Prince et de l?insurrection du gouverneur Galbaud, il est surpris par les modalités d?abolition de l?esclavage, arrêtées par Sonthonax. Contrairement à son collègue, il souhaitait assortir l?affranchissement des Noirs, d?un partage des terres des propriétaires absents et non restaurer une économie de plantation actionnée par un prolétariat salarié, mais attaché à la glèbe, quoique formellement libre. Contrairement à Sonthonax, il ne se détourne pas des métis après la suppression de la servitude. Décrété d?accusation par la Convention nationale, l?exécution de Robespierre le sauve de la guillotine.

Source : La Révolution de Haïti, Général Pamphile de Lacroix. édition présentée et annotée par Pierre Pluchon. Editions Karthala. Paris. 1995. Index biographique, page 501.

Séjourné/ Selon l?historien haïtien Jean Fouchard, « un Séjourné était receveur des épaves au Fort-Dauphin. Un autre, receveur des postes dans la même ville. Les Séjourné étaient en tout cas plus nombreux et mieux connus dans la Grand?Anse, Les marrons de la liberté, chapitre Le nom des colons blancs, page 244.

Sonthonax (Léger, Félicité) Né à Oyonnax en 1763, il meurt dans sa ville natale en 1813, mais certains soutiennent qu?il expira à Fontainebleau. Fils de commerçants, il est avocat, quand éclate la Révolution. Journaliste, il collabore aux Révolutions de Paris, où il défend les thèses abolitionnistes, avec les variantes. Lié à Brissot, à qui il doit sa nomination dans la seconde commission (1792-1794), il débarque à Saint-Domingue pour faire appliquer le décret du 4 avril 1792, attribuant les droits de la citoyenneté aux Libres, dans les mêmes conditions qu?aux Blancs. Ce girondin se comporte en jacobin. Homme sectaire, brouillon, peu intelligent, dépourvu de sens politique, il plonge la colonie dans un désordre dictatorial. Après avoir joué les Libres contre les Blancs, jusqu?en 1793, il mise sur les Noirs, pour faire face à la révolte du gouverneur-général Galbaud ; quand l?Espagne et l?Angleterre envahissent la Grand-Ile, il abolit l?esclavage (août 1793), espérant les utiliser pour chasser les occupants. Ce geste lui aliène les anciens Libres, sans lui apporter le ralliement des chefs de l?insurrection noire. Au nom de la liberté, il établit le travail forcé des Nègres afin de sauver l?économie de plantation et de rendre en France le revenu que les sucres et cafés lui procuraient. Décrété d?accusation par la Convention, l?exécution de Robespierre, qui n?avait pas commandé d?anéantir la servitude, le sauve de la guillotine. Nommé dans la première agence pour le Directoire (1796-1797), il poursuit sa politique de proscription des Blancs, se coupe définitivement des métis, qui au sud ne reconnaissent pas son autorité. Il mésestime Toussaint Louverture, qu?il nomme général de division et commandant en chef, convaincu d?en faire sa créature docile et obéissante. A la suite d?événements troubles Toussaint le chasse (1797), l?accusant de séparatisme,. Rentré à Paris, il siège aux Cinq Cents, comme député de Saint-Domingue, mais Bonaparte, malgré l?intervention de Fouché, refuse ses services et le place sous la surveillance de la police. Cet homme qui, pendant la première agence, avait réclamé 20 000 hommes de troupes pour rétablir l?ordre de Saint-Domingue, condamne l?envoi de l?expédition Leclerc.

Source : La Révolution de Haïti, Général Pamphile de Lacroix. édition présentée et annotée par Pierre Pluchon. Editions Karthala. Paris. 1995. Index biographique, page 508.